Il y a les amitiés qu'on se fait "par soi-même" et celles qui émanent d'une tierce personne. Un·e pote de pote, un·e collègue de collègue, la cousine de notre prof de yoga. Vous voyez le truc. Des rencontres impromptues qui finissent par prendre une place tellement importante dans nos vies qu'on les imagine durer toujours (ou presque).
Après tout, si cette perspective peut paraître naïve quand on parle d'amour, elle l'est un peu moins lorsqu'il s'agit de relations platoniques. Les ruptures amicales existent, sans aucun doute, mais semblent moins inévitables que les séparations amoureuses - passé la cinquantaine, les bandes d'ami·e·s soudées depuis le lycée sont en effet plus fréquentes que les mariages qui vont au-delà de 20 ans de longévité.
Sauf quand, justement, la séparation amoureuse entre en jeu.
Quand l'amie en question, on l'a connue par l'intermédiaire d'un copain - son mec. Et qu'au bout de trois, cinq, dix ans, le couple qu'on avait l'habitude de voir tous les week-ends et avec qui on partait en vacances régulièrement, a éclaté en plein vol.
"Ça ne changera rien", se persuade-t-on en tentant tant bien que mal de garder une neutralité difficile entre les deux parties, et de continuer à fréquenter autant celui qu'on côtoie depuis l'adolescence que celle qui est arrivée après, mais n'est pas moins précieuse à nos yeux.
Et puis, petit à petit, un des deux côtés se montre de plus en plus distant. Elle. Celle qui pour se remettre, pour éviter d'être rappelée à un passé qui la fait souffrir, décide de couper les ponts avec l'entourage de son ex. De s'éloigner pour aller mieux. Parce que "ça fait trop mal" de continuer à se voir, de faire le lien, de replonger l'air de rien dans un quotidien qui n'est plus. Et qui manque.
Aussi compréhensible soit son choix, on se retrouve alors dans une situation qui à nous aussi, brise le coeur : dépourvue d'une personne qu'on chérissait, sans que notre comportement en soit la cause. Une frustration difficile à reprocher, mais aussi à avaler. C'est ce qui m'est arrivée.
D'un coup, plus de nouvelles malgré mes tentatives de contact bienveillantes, plus de rituels à deux, plus de verres en fin de journée pour se plaindre gentiment de nos, plus de cours de sport séchés pour aller au ciné, plus de messages frénétiquement envoyés en plein marathon d'émissions télé à la con (Les Marseillais, pour ne pas les citer).
Dans leur cas, à mon feu couple de copains, pas de trahison. Juste une envie chez lui de s'affranchir d'une dynamique qui ne lui convenait plus. Là encore, compliqué de pointer du doigt le ou la fautif·ve, et donc de formuler auprès de la concernée des critiques acerbes sur un ex qu'elle voudrait sans doute qu'on qualifie de démissionnaire.
Parce que c'est souvent ce qui nous fait du bien, quand on se fait larguer, d'entendre nos proches dire combien l'autre ne nous mérite pas, et a fait le plus grosse connerie de sa vie. "Bien sûr, qu'il s'en mordra les doigts !". Sauf qu'ici, pas vraiment. Trois semaines après, il nous affirmait même s'en porter bien mieux.
Alors pour surmonter cette "perte" rarement évoquée, je me suis mise à sa place à elle. Et je me suis demandé ce que j'aurais fait, si c'était moi.
Sur les nombreux sites de psychologie ou magazines féminins qui traitent de l'épineux sujet relationnel "doit-on rester ami·e avec les ami·e·s de son ex ?", tous arrivent à une conclusion similaire : attention à ne pas transformer ces liens sincères en moyens de se renseigner ou de rester dans le paysage d'un·e ancien·e partenaire.
Jennifer B. Rhodes, experte en relations amoureuses, conseille par exemple de s'éloigner le plus possible de son ex pendant un certain temps, y compris des personnes avec lesquelles il est ami. "Passez du temps avec des personnes qui peuvent vous soutenir et non votre ex", avise-t-elle auprès d'Elite Daily. "Le problème, c'est que voir ses proches ne vous aidera pas à guérir".
Fran Greene, auteur de Dating Again With Courage And Confidence (tout un programme), partage ce sentiment. "Vos envies et vos obsessions à l'égard de votre ex diminueront si vous n'êtes pas entouré·e des souvenirs des 'bons moments' que vous avez passés avec le réseau d'amis de votre ex", affirme-t-elle dans le même article. Comprendre : pour passer à autre chose, faites barrage.
En ne me donnant plus de nouvelles, mon amie a donc seulement fait ce qu'il fallait pour se reconstruire à son rythme, sortir la tête de l'eau, reprendre peu à peu possession d'elle-même, comme on s'y attèle tou·te·s après un chagrin aussi intense. Pour ça, elle a forcément dû s'entourer d'un cocon stérile au souvenir de celui-dont-elle-ne-veut-plus-prononcer-le-nom. Classique.
Et puis potentiellement, a-t-elle voulu éviter de me placer moi dans une situation inconfortable, en me confrontant à sa tristesse et sa rage contre celui qui est aussi mon ami ? Peut-être.
Peut-être aussi que d'ici quelque temps, quand la plaie sera pansée, que les émotions seront moins vives, qu'elle aura fait la part des choses, elle refera signe. Timidement ou plus volontairement. De mon côté en tout cas, je ne presserai rien et j'attendrai patiemment - notre lien vaut le coup. Car l'important, finalement, c'est de laisser le temps au temps. Vivement.