"Je suis féministe. Nous devrions toutes être féministes". C'est ce qu'a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel lors d'un événement organisé début septembre en compagnie de l'autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Cette dernière est justement connue pour sa punchline, au coeur d'une conférence Ted X virale, reprise par Beyoncé en concert : "We should all be feminist". Une phrase qui détonne plutôt dans la bouche d'Angela Merkel.
Après 16 ans au pouvoir, Angela Merkel, 67 ans, vit les derniers jours de son mandat. Et pourrait bien repartir avec une glorieuse réputation de leadeuse féministe et inspirante. "Elle est admirée par les femmes du monde entier, c'est son principal héritage. Qu'une femme a montré de quoi elle est capable et le fait avec dignité et détermination", a ainsi déclaré à Reuters la militante féministe allemande Alice Schwarzer, qui semble voir en elle, plus que la femme la plus puissante au monde, un véritable role model pour les jeunes générations.
"Le fait même de son existence est une déclaration féministe", poursuit Alice Schwarzer du côté du média international. Une sentence qui claque, mais que certaines voix contestent volontiers.
"Angela Merkel a découvert le féminisme tardivement dans son mandat. Elle avait la tête dans le guidon à résoudre crise après crise", déplore par exemple la politologue Sudha David-Wilp. A l'AFP, la directrice de la fondation féministe Gunda Werner développe : "Elle a eu 16 ans pour écouter les féministes et améliorer la situation des femmes en Allemagne, mais elle a décidé de ne pas le faire".
Face à ce féminisme désormais autoproclamé, militantes et voix expertes fustigent a contrario une forme d'inaction et de passivité.
"Elle n'a pas passé les 16 dernières années à réaliser de grandes actions féministes. Pour être honnête, elle avait pas mal d'autres choses à faire", poursuit Alice Schwarzer. Comme l'énonce Reuters, Angela Merkel laisse derrière elle un bilan mitigé. Si elle n'a par exemple soutenu "qu'à contrecoeur" certaines initiatives comme le quota de femmes au sein des conseils d'administration, la chancelière a cependant assuré à son poste la réalisation d'autres démarches comme l'expansion des garderies financées par l'État.
Cependant, Angela Merkel, rappelle Le Point, n'a pas fait grand-chose pour améliorer l'écart de rémunération considérable entre hommes et femmes en Allemagne (l'un des plus élevés de l'Union européenne). "Elle ne s'est jamais spécialement engagée pour les femmes. Mais elle a apporté son propre style : modeste, factuel et respectueux. Bien différent de celui de ses prédécesseurs, comme Helmut Kohl, un patriarche traditionnel, et Gerhard Schröder, un macho aux jambes écartées, suffisant, qui traitait ses ministres comme des enfants. Après lui, cette femme sereine a été une bénédiction", décrypte Alice Schwarzer dans les pages de L'Express.
Face à Chimamanda Ngozi Adichie, Angela Merkel a insisté désormais sur l'importance d'une égalité des sexes "dans le sens d'une participation à la vie sociale, à toute la vie", tout en modérant, comme pour prévenir celles et ceux qui l'accuseraient de feminism washing : "Je ne veux pas me décorer avec un titre que je n'ai pas vraiment".