Elle est depuis 60 ans le symbole pop des stéréotypes sexués, le parangon des diktats de beauté. Poitrine bombée, chevelure platine, cambrure de pin-up et jambes téléscopiques, Barbie a imposé ses mensurations impossibles dans tous les rayons de jouets du monde. Mais depuis quelque temps, la figurine au sourire ultra-bright n'a plus la cote. Et elle doit faire face à des concurrentes nettement plus progressistes. Ainsi, la poupée Lammily, sa silhouette arrondie et ses stickers boutons, cicatrices, vergetures, s'est par exemple imposée comme l'une de ces "anti-Barbie", célébrant la normalité et épousant les imperfections.
Face à cette nouvelle donne et pour ne pas paraître (trop) ringard, Mattel a commencé à entamer une politique des petits pas. A partir de 2010, la poupée sortait de sa condition de parfaite housewife et de son camping-car rose bonbon pour conquérir des professions dites "masculines". Exit l'hôtesse de l'air, la ballerine ou l'institutrice, Barbie devenait enfin scientifique ou astronaute. En 2014, la figurine sculpturale devenait entrepreneuse (bien que juchée sur des talons de 12 cm et moulée dans un tailleur fuchsia). En 2015, elle délaissait ses chaussures vertigineuses pour enfiler des ballerines.
Nouvelle révolution un an plus tard : face à l'accélération de la chute des ventes de sa poupée-star, le mastodonte américain osait enfin développer des poupées aux morphologies plus réalistes qu'une micro-taille et des seins en obus.
Et pour célébrer son soixantième anniversaire, Mattel a annoncé en février dernier la naissance d'une Barbie en fauteuil roulant et une autre dotée d'une prothèse. Enfin, pour aller encore plus loin dans sa nouvelle politique de représentation, la marque a décidé d'étoffer sa gamme en lançant une Barbie noire aux cheveux crépus se déplaçant en fauteuil.
Cette nouvelle venue dans la galaxie Barbie a été chaleureusement accueillie.
"Ce n'est pas simplement une Barbie en fauteuil roulant. Il y a une Barbie noire en fauteuil roulant."
Je suis tellement impatiente ! Je vais l'acheter pour ma nièce... Elle est à mobilité réduite... Cette Barbie lui ressemble beaucoup ! Elle est totalement obsédée par les Barbie en ce moment et a 6 ans...
Petit détail bienvenu : cette nouvelle poupée (vendue exclusivement aux Etats-Unis pour le moment) a droit à sa propre rampe pour accéder à sa "maison de rêve". Car, comble de l'ironie, Mattel avait dû stopper la production de son premier modèle en fauteuil roulant dans les années 90, les dimensions de celui-ci ne correspondant pas à celles de la maison de la poupée.
Réelle volonté d'inclusivité ou joli coup marketing ? Mattel semble en tout cas avoir assimilé que l'avenir du jouet reposait sur une plus grande diversité afin de répondre à un besoin d'identification des enfants et ainsi remodeler les représentations standardisées. Et cette offre paie. Car, comme le souligne Kim Culmone, vice-présidente de Mattel, auprès de Teen Vogue, le modèle de Barbie en fauteuil roulant "est l'un des articles les plus réclamés par les consommateurs et consommatrices". CQFD.