Jeune pousse découverte dans l'émission Nouvelle Star, Camélia Jordana s'est épanouie au fil des années et des projets. On connaissait son grain de voix unique, rauque et délicieusement soul, elle s'est révélée talent brut sur grand écran, où elle a été couronnée d'un César du meilleur espoir féminin en 2018 pour sa prestation dans Le Brio. Camélia a pris de l'épaisseur, gagné en profondeur et surprend par son engagement militant. Là où nombre de ses consoeurs se carapatent de peur de faire trop de bruit, elle pousse le son.
On la découvre féministe convaincue, férue de politique, impatiente de bâtir une société plus solidaire et égalitaire. Elle pose en Marianne seins nus, signe des pétitions, se lance des défis au cinéma, étonne et détonne dans un showbiz souvent atone. Et chante ses convictions sur un bel album aux allures de manifeste, Lost, récompensé par une Victoire de la Musique. Perdue, Camélia ? Elle semble pourtant avoir les pieds fermement plantés dans cette époque qu'elle rêve de réenchanter.
Nous avons questionné (par mail) l'artiste protéiforme avant son concert au festival Lollapalooza Paris ce dimanche 21 juillet sur ses inspirations, ses révoltes et ses combats.
Camélia Jordana : Oui, je pense avoir toujours été féministe sans même le savoir. Ma mère a grandi dans une famille qui lui transmettait des valeurs magnifiques, tout en lui imposant des interdits fous. Elle nous a toujours voulues libres. Je crois qu'elle nous a transmis ce délire de liberté malgré elle.
C.J. : Cela a été une grande libération pour moi. La réalisatrice Lou Jeunet donnait tant d'amour à ses acteurs qu'il devenait ludique d'être nue et de jouer la sexualité de ces personnages.
C.J. : J'ai l'impression qu'en France, ça l'est depuis un vrai moment, oui. Il semble normal en France de faire des remarques à une femme qui porte des cheveux frisés...
C.J. : Les femmes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et les peshmergas, ces combattantes kurdes, sont les héroïnes des temps modernes. J'ai adoré le fait de pouvoir incarner l'une d'entre elles, l'une de ces femmes du monde entier qui quitte leur vie et leur famille pour pouvoir défendre des vies.
C.J. : On me demandait récemment "l'industrie musicale est-elle sexiste ?". Le monde entier est sexiste. Donc l'industrie musicale comme le reste du monde l'est. On voit des femmes de plus en plus nombreuses à des postes qui restaient exclusivement masculins il y a encore très peu de temps. Les choses avancent, doucement.
C.J. : En France, non, je vois toujours les mêmes beaufs sortir quotidiennement les mêmes débilités.
C.J. : Je pense que la sororité est une chose établie dans la culture africaine, asiatique et afro-américaine. Sud-américaine aussi. Mais dans les cultures occidentales, caucasiennes, les femmes ont toujours été menées à la baguette. On leur a appris comment être la meilleure femme, avoir la plus belle robe, être la meilleure cuisinière, posséder la plus belle maison et la plus belle voiture.
Je pense qu'en dehors des grandes révolutions, les femmes n'ont pas été encouragées à se serrer les coudes, mais plutôt à entretenir cette concurrence et ces jalousies assez communes finalement. Il vous suffit de marcher dans les rues de Paris pour voir que les regards sont rarement tendres entre femmes, à quelques exceptions près.
Frida Kahlo pour son engagement, sa liberté et le lien qu'elle avait à son art.
Et Christiane Taubira qui est une femme politique qui nous montre que les prises de décisions sont possibles lorsque d'autres lui sont imposées et et qu'elles ne sont pas encore avec elle. Pour sa langue, aussi. Je trouve cela bien regrettable qu'elle soit la seule à maintenir cette élégance de la langue française. Je considère cela comme nécessaire pour une personne au pouvoir et représentant un peuple.
Camélia Jordana, Album Lost
En concert au festival Lollapalooza Paris dimanche 21 juillet 2019 à 13h45 (Main Stage 2)