Créé en 2009 par un étudiant moscovite de 17 ans, Chatroulette a explosé au début des années 2010. A l'époque, les réseaux sociaux n'étaient pas aussi répandus qu'aujourd'hui et le site incarnait une fenêtre intrigante sur le monde - ou plutôt les gens de ce monde - que peu ont résisté à ouvrir. On se connectait facilement, à tout âge, on lançait sa webcam et on passait d'un·e utilisateur·ice à l'autre sans autre forme de procès qu'un clic rapide. On croisait des Néerlandais·e·s, des Américain·e·s, des Russe·s. Et puis des pénis. Beaucoup de pénis. Il faut croire que n'importe quelle exposition en ligne attise les exhibitionnistes en mal de public.
C'est (très) vite devenu le lieu de prédilection pour un petit spectacle porno amateur gratos, qui a d'ailleurs alerté la protection de l'enfance. "Le principe est très sympa mais il a été récupéré par une catégorie de personnes", expliquait en février 2010 Justine Atlan, directrice de l'association e-Enfance, à Europe 1. "En testant, on s'est rendu compte que tous les trois clics, on tombait sur l'image, en gros plan serré, d'hommes en train de se masturber". Critique. On croyait l'histoire enterrée, tout comme la chanson éponyme de Max Boublil - et sa notoriété d'ailleurs : on a eu tort.
Avec le confinement, et l'obligation pour la population de rester bien sage à la maison, la plateforme a repris de plus belle. Dans un entretien avec Society, le fondateur Andrey Ternovskiy, confie même que les audiences ont quasiment doublé en deux mois : "Tu vois, le 3 janvier, j'avais 57 000 visites par jour. Aujourd'hui, j'en ai 100 000." Rien à voir avec les 800 000 quotidiennes à sa création, mais un chiffre qui témoigne tout de même de l'ennui collectif. Ou d'un besoin de communication pressant avec l'extérieur.
"Les gens sont à la recherche d'échanges plus longs, plus profonds, plus qualitatifs", commente à son tour Andrew Done au magazine français, directeur technique de Chatroulette.
En mars 2019, les statistiques du site assurent que les "rencontres" digitales durent sept fois plus longtemps qu'auparavant. Autre fait plutôt révélateur : 20 % du trafic viendrait de France et d'Italie (respectivement 8 et 12 % de ces visiteur·se·s), pays confinés jusqu'à nouvel ordre, et clairement en manque de contact. La source ne précise cependant pas si l'apparition aléatoire de sexes inconnus a décru. Dans le doute, on s'en tiendra à Instagram.