Les 5000 mètres carrés extérieurs de l'école primaire Clémenceau sont le terrain d'un relooking massif. L'établissement des années 60 a été choisi par la mairie grenobloise, parmi 77 écoles, comme pilote de son projet "Libre Cour", qui vise à "végétaliser, débitumiser, repenser les espaces pour aider les enfants à mieux les partager, notamment entre filles et garçons, créer des aménagements pédagogiques autour de la nature et de l'eau, assurer la circulation des handicapés", rapporte un correspondant local dans les colonnes de Libération.
Plusieurs expert·e·s avaient notamment soulevé que les jeux collectifs, comme le foot, principalement pratiqués en plein milieu de la cour par les garçons, laissaient peu de place aux fillettes pour s'exprimer. "Quand je demande aux enfants de me dessiner la cour de récré, les filles n'existent pas", analysait la géographe du genre Edith Maruéjouls, auprès de Marie Claire.
"L'espace des garçons qui jouent au foot, on sait où il est, il fait valeur", poursuit-elle. "Le noeud de l'égalité filles-garçons se joue dans les relations. Or, la norme reste de ne pas se mélanger, on se rend vite compte qu'il y a une absence de mixité dans la cour mais aussi à la cantine. C'est inconscient, mais les relations sont biaisées dès le départ".
Un rapport de l'Unicef datant de 2018 va d'ailleurs dans ce sens, relevant que " les filles expriment un sentiment d'injustice partagé collectivement par le groupe des filles", sur la façon dont les enfants vivent la répartition tacite en vigueur dans les cours d'école.
C'est une des choses que souhaite changer le maire Eric Piolle (EELV). Ça, et l'accès à davantage de verdure. Il annonçait sur Twitter début juillet, récoltant près de 10 000 likes : "Les cours d'école de nos enfants ressemblent à des parkings en bitume, brûlantes en été et trop réservées aux pratiques des garçons. La solution : débitumiser, dégenrer, végétaliser et potagiser ! Et en plus, nos enfants aident à faire les plans. Oui, on grandit aussi pendant la récré !"
Pour ce faire, l'équipe municipale s'est entourée des enseignant·e·s mais aussi de nombreux·se·s intervenant·e·s externes, dont justement Edith Maruéjouls. La spécialiste affirme que le travail ne peut être mené qu'en collaboration avec les plus jeunes. "Pour créer de la mixité, il faut animer, verbaliser. Le rôle de l'adulte est très important. Atteindre l'égalité, c'est apprendre à partager, à jouer ensemble", livre-t-elle à Libération.
Elle va ainsi aider à redessiner la cour de récré, en privilégiant la création d'endroits calmes aux usages diversifiés. "Les lieux mixtes sont bien souvent des lieux arborés, ou des jardins pédagogiques, qui neutralisent les questions de genre", assure-t-elle.
Cette transformation, dont les travaux se prolongeront au-delà de la rentrée de septembre, se fera sur la longueur. Un moyen d'ancrer de nouveaux codes et de nouveaux comportements dans les esprits des enfants, afin que l'égalité devienne un réflexe qui dure.