A deux heures de route de la ville d'Assouan au sud du Caire, se trouve le village égyptien El-Samaha. Ici, plusieurs maisons se côtoient, toutes achetées à bas prix par des femmes veuves ou divorcées qui reconstruisent leur vie loin des préjugés patriarcaux.
A l'image des Amazones de la mythologie grecque, ces Egyptiennes cohabitent dans ce village cofondé en 1998 par le ministère égyptien de l'Agriculture et le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies (PAM). Cette initiative solidaire permet à des femmes contraintes de vivre dans la pauvreté après un divorce ou le décès de leur époux d'acquérir une maison et de travailler. "Je me suis sentie heureuse dès mon arrivée ici. On m'a donné une maison, une terre, une chèvre et de l'eau. J'ai commencé à me sentir en sécurité", explique au site News Deeply, Nazira Moustafa, 52 ans.
En Egypte, le taux de divorces est de 40% les cinq premières années du mariage, selon le dernier rapport de l'agence statistique égyptienne (CAPMAS). En 2015, le pays a enregistré 160 000 cas de divorce pour 900 000 mariages. L'équivalent d'une rupture toutes les trois minutes et d'une augmentation de 10,8% par rapport à 2014.
A cela s'ajoute le basculement dans la pauvreté de plus de 86 millions d'Égyptiens entre 2009 et 2011, selon une étude réalisée en 2013 par le Programme alimentaire mondial (PAM), l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et l'agence statistique égyptienne (CAPMAS). Une situation sociale et économique difficile qui plonge des milliers de femmes seules dans une grande précarité.
El-Samaha est donc un projet de développement visant à les autonomiser. Le village a ouvert avec 303 femmes. Chacune d'entre elles a pu obtenir une maison avec terrain, ainsi que des animaux d'élevage comme des chèvres, des vaches ou des buffles. Les hypothèques, précise le site News Deeply, sont subventionnées par le gouvernement égyptien et sont 80% moins élevées que dans le reste du pays.
A bien des égards, El-Samaha est un village égyptien typique avec des écoles, une mosquée, une boulangerie, un centre médical, un espace jeunesse, un bureau de poste et une station d'eau potable. Quelques hommes, comme les fils des résidentes et les maris de leurs filles, y sont installés également.
Nazira Moustafa est arrivée à El-Samaha il y a 16 ans, après un divorce. Mère célibataire sans revenu, elle a trouvé refuge dans cette communauté et vit de l'élevage, en vendant ses oeufs et sa viande dans les villages voisins. Elle a investi toutes ses économies, soit 12 000 livres égyptiennes (585 euros), dans l'une des maisons du village. Seule obligation : revendre sa maison et son terrain à une femme veuve ou divorcée. "En ville, la vie peut devenir ennuyeuse. Beaucoup de gens luttent contre les pressions sociales, les prix élevés, les rues bondées et tant d'autres problèmes ", confie-t-elle. "Mais ici nous vivons un peu mieux. Nous sommes peu nombreux, nous nous connaissons".
Un environnement inspirant pour les enfants de ces femmes qui défient les stéréotypes archaïques de leur société. Aya, 11 ans, dit pouvoir faire tout ce qu'elle veut, même jouer au football. Plus tard, elle sera médecin, "pour guérir les gens".