En plein coeur du Kenya, dans la province sauvage de Samburu, se trouve un village où les hommes n'ont ni le droit de vivre, ni aucun pouvoir politique. Son nom ? Umoja. Fondé en 1990 par une quinzaine de femmes violées par des soldats de l'armée britannique, le village accueille désormais en son sein 47 femmes et 200 enfants. Tous s'y sont réfugiés pour fuir un conjoint violent ou un mariage forcé, se reconstruire après un viol ou guérir des mutilations génitales qu'on leur a imposées.
Victimes de la violence des hommes et des discriminations, ces femmes ont fait d'Umoja leur nouveau foyer. Journaliste pour The Guardian et essayiste féministe, Julie Bindel les a rencontrées.
Autonomie et sécurité
Dans un long reportage illustré par de magnifiques clichés , elle y décrit le mode de vie frugal des habitantes d'Umoja. Vivant modestement grâce à la vente de bijoux artisanaux aux touristes de passage dans la réserve naturelle de Samburu, les femmes du village se voient fournir nourriture, vêtements et logement par la communauté. Indépendantes financièrement, libérées de l'emprise de leur père ou mari, elles peuvent s'épanouir et trouver par elles-mêmes le moyen de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants. Une école et une église ont été construites, et toutes les décisions concernant le groupe sont prises en groupe, sous "l'arbre de parole" où chacune est libre de s'exprimer.
"J'ai appris à faire des choses ici que les femmes n'ont normalement pas le droit de faire", affirme Nagusi, une femme d'âge moyen vivant dans le village avec cinq enfants. Je peux gagner mon propre argent, et quand un touriste achète certaines de mes perles, je suis tellement fière."
"Chaque jour, je me réveille et je souris parce que je suis entourée d'aide et de soutien", raconte quant à elle Judia. Aujourd'hui âgée de 19 ans, elle est arrivée à Umoja à 13 ans après avoir fui ses parents, qui voulaient la vendre à un mari plus âgé.
Autre particularité d'Umoja : le rôle que joue la communauté auprès des femmes des villages voisins. Les résidentes les plus expérimentées se rendent régulièrement auprès de jeunes filles pour les éduquer répondre à leurs questions sur le mariage précoce et mutilations génitales, encore profondément ancrés dans la culture patriarcale de Samburu.
"À l'extérieur, les femmes sont gouvernées par des hommes et ne peuvent donc pas espérer un quelconque changement, explique Seita Lengima, l'une des "anciennes" du village à Julie Bindel.
"Une fille mariée à un âge précoce ne sera pas un parent compétent. Lorsqu'elles donnent naissance, elles sont confrontées à de nombreux défis : elles se rompent, elles saignent, parce qu'elle sont jeunes", explique Milka, qui dirige l'école d'Umoja, ouverte aux enfants des villages environnants. Même accomplir leurs tâches domestiques est difficile pour elles. Elles sont reléguées au soin des animaux."
Pour autant, les habitantes d'Umoja se défendent de toute misandrie. Lorsque Julie Bendel fait remarquer à l'une des habitantes qu'il y a beaucoup d'enfants pour une communauté composée exclusivement de femmes, celle-ci répond, amusée : "Ah, mais nous aimons encore les hommes ! Ils ne sont pas autorisés à vivre ici, mais nous voulons des bébés et les femmes doivent avoir des enfants, même si elles sont célibataires."