Qui est Almamula ?
C’est une sorcière, ou plutôt l’esprit d’une femme qui selon les légendes locales fut condamnée il y a des siècles pour ses moeurs. Dans les forêts des plus isolés territoires de l’Argentine, elle hante celles et ceux qui s’adonnent aux plaisirs charnels. De quoi mettre en danger Nino, jeune homme victime d’homophobie, ainsi que son entourage ?
Tel est le postulat du long-métrage étonnant de Juan Sebastian Torales. Non content de nous plonger dans l’esprit d’un protagoniste vulnérable victime de discriminations, souffrant d’une culpabilité que la société lui impose, le cinéaste nous immerge dans une forêt d’où émanent étrangeté, terreur mais aussi isolement - ce sentiment qu’éprouve justement notre héros.
Cette œuvre angoissante à découvrir en salles ce 7 août parvient ainsi à concilier fable surnaturelle et allégorie sociale tout aussi inquiétante… Sur une menace bien palpable.
Allégorie sociale inquiétante ? Oui, car ce qu’évoque ce récit, sans trop en dire, témoigne d’une horreur bien réelle.
Fiction remarqué au Festival du film de Berlin où il a fait sa première mondiale, Almamula distille une angoisse savamment dosée afin de mieux nous faire ressentir l’impression de culpabilité qui pèse sans cesse sur Nino, marginal opprimé pour sa différence.
Et en se jouant des codes les plus traditionnels du cinéma de genre - la forêt maudite, comme les croquemitaines, vient punir péchés, tentations et jeunesse - Juan Sebastian Torales n’hésite pas à épingler à travers l’imaginaire la violence des âmes puritaines et conservatrices.
Ou quand la superstition l’emporte sur le simple respect des droits les plus fondamentaux.
Mais Almamula met également à l’honneur des sensations déroutantes, qui témoignent d’influences qui ne le sont pas moins. Ainsi par son rythme hypnotique et ses plans contemplatifs, Almamula semble s’inscrire dans le sillon des contes modernes et sensoriels de l’immense cinéaste Apichatpong Weerasethakul, et notamment de son Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures.
On y retrouve d’ailleurs un même intérêt pour les légendes mythologiques et pour un territoire qui peu à peu s’érige en personnage à part entière : la forêt, lieu phare s’il en est du cinéma d’épouvante.
Une curieuse escale qui mérite le détour.
Almamula, un film de Juan Sebastian Torales. Avec Nicolás Díaz, Martina Grimaldi, Maria Soldi. Dès le 7 août en salles.