"Ils m'insultent. Me répètent que je suis un animal". Ils sont durs à entendre, les témoignages de Gloria, Cristina et Janet (les prénoms ont été modifiés), ex-employées philippines exploitées par leurs patrons, une riche famille originaire du Qatar ayant emménagé dans un appartement du XVe arrondissement de Paris. Des femmes qui ont fini par fuir leurs oppresseurs, et relatent chacune auprès du Parisien un harcèlement moral systématique ainsi que des maltraitances diverses émanant de leurs patrons, de 2018 à 2019.
"Ils me disaient que les Philippins sont des personnes très sales. La mère me traitait de poubelle, de folle. Elle disait que je n'avais rien dans la tête", se remémore notamment Gloria. L'ex-employée parle aussi d'insultes quotidiennes, d'humiliations publiques, de menaces et de violences physiques. "J'ai été blessée à la lèvre et j'ai eu un bleu au torse", se souvient-elle auprès du journal.
Les employées ont finir par fuir "pour ne pas finir en hôpital psychiatrique", déplore Janet, qui a subi le même sort. Mais conservent des traumatismes.
Ces trois employées, vivant un quotidien très précaire à Manille, ont fini par émigrer au Qatar. C'est une agence, et une employée la famille, qui les ont mises en contact avec leurs employeurs. A leur arrivée à Doha, la capitale du Qatar elles se verront confisquer leurs passeports. Leur enfer se poursuivra du Qatar à Paris (où la famille d'employeurs s'installera en mars 2018), à travailler de dix-sept heures à dix-huit heures par jour, sept jours sur sept, sans pause ni congés, avec un seul repas par jour, sans être rémunérées. Et sans avoir le droit de quitter les appartements, hormis pour accompagner leurs employeurs dans les boutiques de luxe.
"Nous ne mangions pas à notre faim. Ils nous donnaient les restes. Quand il n'y en avait plus, nous avions droit à du vieux pain ou du riz blanc. Dans mon pays, c'est ce qu'on donne aux animaux. C'était très humiliant", déplore Janet. Christina, en plus d'un travail incessant, relate quant à elle des humiliations et insultes régulières de la part de la mère et la fille de cette famille : "Elles passaient leur temps à me hurler dessus et à me rabaisser. Elles me traitaient d'animal, d'idiote, de fille de pute. La patronne me traitait de poubelle".
"Elles ne se servaient jamais seules de rien. Je devais leur servir le café qui était devant elles, changer leur chaîne à la télévision, appuyer pour elles sur le bouton de l'ascenseur. Je me faisais hurler dessus si je restais un peu trop longtemps aux toilettes", développe encore l'ancienne employée, accablée.
En autres conditions déplorables, les trois ex employées devaient dormir sur un matelas en mousse jaune au pied du lit de leurs patronnes, "ou carrément jeté dans un couloir". Ces employées ont fini par s'échapper en 2019 et par porter plainte contre leurs anciens patrons en février 2019 pour des faits présumés de "traite d'être humain". Soit, rappelle Le Parisien, la qualification pénale "de l'esclavage moderne".
Aujourd'hui cependant, elles attendent encore des nouvelles sur la réalité de l'enquête dont leurs anciens employeurs font l'objet. "L'enquête est en cours", a confirmé auprès du journal le Parquet de Paris.