C'est un petit pas pour l'homme, mais un pas de géant pour la pollution. Au vu de ce joli détournement de la fameuse punchline spatiale de 1969, on ne peut pas vraiment dire que le Guardian apprécie cette curieuse tendance des milliardaires à vouloir explorer l'espace. Et au vu des données relayées par le média britannique, l'on comprend mieux pourquoi le sourire béat de Jeff Bezos ne suscite pas un si grand enthousiasme.
L'une des causes de cette perplexité ? Les incidences d'un lancement de fusée sur la planète. Car faire décoller une navette de ce type n'a rien d'anodin. Non, cela peut engendrer la production de 300 tonnes de dioxyde de carbone dans la haute atmosphère, une pollution qui peut perdurer des années. De plus, les carburants de ces engins, qu'il s'agisse de kérosène ou d'hydrogène liquide, projettent bien des substances, du dioxyde de carbone au chlore, jusqu'à la suie. Sans oublier la chaleur intense qu'ils libèrent dès le décollage, qui ne peut que malmener la couche d'ozone.
Bref, la conquête de l'espace, un pas de géant pour l'humanité, pourquoi pas, mais pour la cause climatique, pas tant que ça.
Professeure agrégée de géographie physique à l'University College London, Eloise Marais parle carrément dans les pages du Guardian de "coûts environnementaux considérables", ne serait-ce qu'en prenant en compte les incidences des propergols, à savoir des produits de propulsion, mais aussi d'un "appauvrissement préoccupant de l'ozone stratosphérique". Pour l'experte, si les émissions de carbone des fusées sont "faibles" par rapport à l'industrie aéronautique en général, ils augmentent tout de même "de près de 5,6% par an". Vertigineux.
Pour l'anecdote, le lancement d'une fusée où se côtoient en moyenne quatre passagers (c'est le cas du futur vol spatial Blue Origin) impliquerait ainsi la production de 200 à 300 tonnes de dioxyde de carbone. C'est cent fois plus que pour un vol long-courrier standard. Bien sûr, les vols orbitaux ne sont pas aussi courants que les décollages d'avions à travers le monde. Mais s'inquiéter de leurs répercussions, au vu de ces données, est une attitude des plus lucides. A l'heure où l'écoresponsabilité n'a plus rien d'un grand (ou gros) mot, qu'en est-il au juste des "mises à jour" nécessaires de l'industrie spatiale ? Tomberait-on sur une "Erreur 404" ?
"Aujourd'hui, à travers le monde, de plus en plus de personnes pointent l'irresponsabilité de milliardaires comme Jeff Bezos ou Richard Branson, qui utilisent leur argent pour une excursion d'une journée dans l'espace plutôt que de dépenser leur fortune dans la lutte contre la crise environnementale que subit de plein fouet notre planète", observe à juste titre Slate.fr. Eloise Marais de son côté désire sensibiliser quant à la réglementation nécessaire des émissions de fusée, réglementation encore cruellement (et étrangement) inexistante.
"Come on, Jeffrey, you can do it!", ironise le comédien et musicien Bo Burnham dans sa chanson "Bezos I", issue de son excellent Netflix-special Inside. Oui, you can do it, mais à quel prix ?