Ce n'est pas la première fois que Correos, la poste espagnole, s'attache à défendre des causes sociales. Déjà impliquée dans les luttes pour le climat et les droits des personnes LGBT par le passé, l'institution s'est récemment attaquée au racisme, avec Equality Stamps ("Les timbres de l'égalité"). Une campagne en collaboration avec l'ONG SOS Racismo et le rappeur El Chojin, impliqué dans ce combat, sortie le 25 mai dernier, dans le cadre du Mois européen de la diversité.
Le 25 mai 2021, c'est aussi la date à laquelle George Floyd a été assassiné, il y a un an, par un policier de Minneapolis. Meurtre qui a déclenché la résurgence d'une mobilisation antiraciste internationale.
Le but de la manoeuvre du service public hibérique ? Montrer que selon la couleur de peau, la vie n'avait pas la même valeur. Ainsi, 4 timbres étaient brièvement mis en vente dans les bureaux de tabac espagnols, au prix de 1,60 euros pour le plus clair, et de 0,70 euros pour le plus foncé.
"Plus le timbre est foncé, moins il aura de valeur, par conséquent, lors d'un envoi, il sera nécessaire d'utiliser plus de timbres noirs que blancs. De cette façon, chaque lettre et chaque envoi deviendront le reflet de l'inégalité créée par le racisme", décrit Correos dans un communiqué. Seulement rapidement, l'idée a créé un tollé.
"Les bonnes intentions de ses protagonistes n'ont pas réussi à arrêter la polémique : l'action publicitaire, lancée cette semaine, a suscité des critiques sur les réseaux sociaux, tandis que plusieurs militants dénoncent qu'elle véhicule un message raciste", atteste le quotidien local El Paìs. Le journaliste Moha Gerehou, auteur de Que hace un negro como tu en un sitio como este, décortique sur Twitter ce qui l'a particulièrement choqué.
"Quand Correos, SOS Racismo et El Chojin se réunissent, ils cherchent à mener une campagne antiraciste, mais le message qui a été transmis était raciste". Il assure ainsi que, si les intentions "étaient bonnes", il y a une " très grande et difficile contradiction à surmonter quand vous dites que vous vous battez pour l'égalité de nos vies, alors que d'un autre côté, vous donnez une valeur inégale aux timbres qui symbolisent les valeurs de la peau".
Et ajoute : "Peut-être que si les timbres avaient tous eu le même prix et que le message avait été qu'ils ont tous la même valeur, cela aurait été mieux compris.".
Selon l'auteur, si incompréhension il y a eu, la faute ne revient toutefois pas au public, mais plutôt au manque de diversité chez celles et ceux qui ont pensé le projet. En Espagne, les équipes de ce genre de campagnes sont ainsi composées "principalement de Blancs", explique-t-il, soit de personnes qui ne sont pas victimes de racisme. La première étape, pour combattre un tel fléau, serait donc avant toute chose, de faire appel aux premier·e·s concerné·e·s.