Société
"Stop les crimes racistes !" : 20 000 personnes contre les violences policières à Paris
Publié le 3 juin 2020 à 13:22
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Le collectif Vérité pour Adama Traoré appelait à se mobiliser mardi 2 juin contre les violences policières et le racisme systémique. Interdit quelques heures auparavant par le préfet de policee Didier Lallement, l'événement a rassemblé 20 000 personnes.
20 000 personnes se rassemblent à Paris pour dénoncer les violences policières 20 000 personnes se rassemblent à Paris pour dénoncer les violences policières© Abaca
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Ce mardi 2 juin, en début d'après-midi, le préfet de police de Paris Didier Lallement a interdit le rassemblement initié par le collectif Vérité pour Adama Traoré. La raison évoquée : une manifestation d'une telle ampleur n'est "pas autorisée par le décret du 31 mai 2020 relatif à l'urgence sanitaire, qui proscrit tout rassemblement, dans l'espace public, de plus de dix personnes." Cela n'a pas arrêté les Francilien·ne·s , qui se sont déplacé·e·s en masse, en grande majorité masqué·e·s, pancarte au point.

"Justice pour Adama !", "I can't breathe !", "Stop les crimes racistes !" : dès 19 heures, ils et elles étaient plus de 20 000 à scander leur révolte face au racisme systémique et aux violences policières sur le parvis du tribunal de grande instance de Paris. Et demander que justice soit faite après la mort d'Adama Traoré, jeune homme de 24 ans, le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan, après son interpellation à Beaumont-sur-Oise.

Devant la foule, Assa Traoré, soeur d'Adama et figure de proue de la lutte contre les violences policières, a remercié le soutien de la population : "Toutes les personnes qui sont là aujourd'hui, vous êtes entrées dans l'histoire. Vous pourrez dire que vous avez participé à un renversement (...). Ce n'est que le début. Nous avons fait un appel en quelques jours. La prochaine fois, ce sera beaucoup plus organisé".

Pour "la fin de l'impunité policière"

Sur les affiches, banderoles, panneaux de contestation faits maison, on pouvait lire par centaines les mots "Black Lives Matter", "Les vies noires comptent", en référence au mouvement militant afro-américain. Nombres rendaient aussi hommage à George Floyd, asphyxié par un policier blanc dans les rues de Minneapolis, ou à Eric Garner, tué en 2014 dans les mêmes conditions.

Deux noms qui s'ajoutent à la longue liste de meurtres d'hommes, de femmes et d'enfants noir·e·s par des policiers blancs aux Etats-Unis, mais aussi en France. "Aujourd'hui, ce n'est plus que le combat de la famille Traoré, c'est votre combat à vous tous (...). Aujourd'hui, quand on se bat pour George Floyd, on se bat pour Adama Traoré, on se bat pour Ibrahima Bah, on se bat pour Gaye Camara, on se bat pour Babacar Gueye, on se bat pour Angelo Garand, la liste est trop longue", dénonçait Assa Traoré au micro, réclamant la fin de "l'impunité policière".

A ses côtés se tenaient les actrices Aïssa Maïga, Nadège Beausson-Diagne, Adèle Haenël, Marina Foïs et Sara Forestier, et la chanteuse Camélia Jordana, pour apporter leur soutien.

Des heurts avec la police

L'ensemble de la manifestation s'est déroulée dans le calme. Et puis, vers 20 heures, des heurts ont éclatés. Des abribus et des trottinettes ont été incendiés, le périphérique bloqué par plusieurs personnes jusqu'à ce que la police intervienne à coup de bombe lacrymo, dont la fumée aurait traqué les manifestant·e·s jusque dans le métro. Au total, 13 personnes ont été interpellées à Paris.

Ces tensions, l'avocat Arié Alimi l'explique par la stratégie des forces de l'ordre : "Tout était pacifique jusqu'au nassage de la préfecture de police". Le "nassage" définit une technique devenue la norme par les forces de l'ordre, qui implique de bloquer les manifestant·e·s aux extrémités du point de rassemblement et mène généralement "les esprits à s'échauffer et les violences à éclater", étaye Actu.fr. "Le seul responsable de ce qu'il s'est passé hier, c'est le préfet de police Didier Lallement", accuse Assa Traoré sur BFM. "Nos manifestations se sont toujours bien passées".

Des faits auxquels le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, réagira par un tweet, condamnant "les débordements survenus ce soir à Paris, alors que les rassemblements de voie publique sont interdits pour protéger la santé de tous" et félicitant "les forces de sécurité et secours pour leur maîtrise et leur sang-froid".

Affaire Traoré : une contre-expertise "démonte" la précédente

En juillet 2016, Adama Traoré est mort deux heures après son arrestation, dans la caserne de de Persan, dans le Val d'Oise. La semaine dernière, une expertise médicale exonérait les membres des forces de l'ordre de toute implication dans son décès.

Ce 2 juin, une contre-expertise indépendante prouvait le contraire : Le "décès fait suite à un syndrome asphyxique. Le syndrome asphyxique fait suite à un oedème cardiogénique. L'oedème cardiogénique fait suite à une asphyxie positionnelle induite par le plaquage ventral", détaille Me Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille. "Ce rapport démonte point par point l'expertise de la semaine dernière et désigne le plaquage ventral comme ayant causé la mort d'Adama Traoré".

A ce jour, les trois gendarmes ayant procédé à l'arrestation sont placés sous le statut intermédiaire de témoin assisté pour les faits de non-assistance à personne en danger.

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