Darnella Frazier est une Afro-américaine de 17 ans. Elle est aussi la jeune fille qui a filmé le meurtre de George Floyd par un policier blanc, à Minneapolis, le 25 mai dernier. "J'ai posté la vidéo hier soir et elle est devenue virale", lançait-elle aux caméras de Now This le lendemain, alors qu'elle revenait sur les lieux du crime pour lui rendre hommage. Traumatisée, elle s'effondre au milieu de la foule : "Tout le monde me demande comment je me sens ? Je ne sais pas comment me sentir, parce que c'est tellement triste. Cet homme était littéralement ici à 20 heures hier. J'accompagnais mon cousin au magasin, et je l'ai vu par terre et je me suis dit : 'Qu'est-ce qui se passe ?'"
Si elle a documenté la scène, c'est pour dénoncer les violences policières et le racisme qui tue des milliers de personnes depuis des années, aux Etats-Unis comme ailleurs. Afin que la famille de la victime puisse connaître la vérité, et que les policiers ne soient pas impunis. Pourtant, depuis quelques jours, elle a confié subir du cyber-harcèlement, notamment de personnes qui lui reprocheraient d'avoir diffusé la vidéo pour attirer l'attention, ou de ne pas être intervenue physiquement. Des commentaires qu'elle a adressés directement dans une publication sur Facebook.
"Je le fais pour le pouvoir ? Pour l'attention ?? Quoi ? Pour être payée ??", lâche-t-elle, révoltée. "Je n'attends pas de quelqu'un qui n'a pas été à ma place qu'il comprenne pourquoi et comment je me sens ! Mais je suis mineure ! 17 ans, bien sûr que je ne vais pas me battre avec un flic, j'ai peur de la police." Elle poursuit, rappelant au passage qu'aucun de ses détracteurs n'était présent. Et surtout qu'agir aurait pu compromettre davantage de personnes, dont elle-même. La jeune fille insiste également sur le caractère clé de la séquence dans le sort des policiers.
"Si je n'avais pas été là, 4 flics auraient encore leur travail, ce qui aurait causé d'autres problèmes. Ma vidéo a été diffusée dans le monde entier pour que tout le monde puisse la voir et la connaître ! Sa famille a été contactée ! La police aurait très certainement balayé la vidéo sous le tapis avec une histoire de dissimulation. Au lieu de m'attaquer, REMERCIEZ-MOI ! Parce que cela aurait pu être l'un de vos proches et vous auriez voulu voir la vérité aussi. Quiconque a quelque chose de négatif à dire est prié de me bloquer. Je ne vous oblige pas à me regarder."
Refinery29 rappelle qu'en 2014, lorsqu'Eric Garner a été tué de façon similaire (asphyxié par un policier alors qu'il était à terre, il a lui aussi tenté d'alerter l'homme en murmurant "I can't breathe" onze fois, en vain), son ami Ramsey Orta a été victime de harcèlement de la part de la police. Harcèlement qui l'a d'ailleurs propulsé en prison. "La vidéo a voyagé loin, mais elle n'a pas permis de rendre justice à son ami mort", écrit The Verge dans un reportage dédié. "Au lieu de cela, la police de New York allait se venger par un harcèlement ciblé et finalement par l'emprisonnement - la punition d'Orta pour avoir osé montrer au monde la brutalité policière." Enfermé depuis 2016, sa libération est prévue cet été.