L'ouverture de cet hôpital aurait permis à des mères de famille et épouses comme Adjara, 38 ans, de ne plus crier de douleur à chaque rapport sexuel avec leur époux. Un reportage publié sur BBC.com évoque l'affaire qui secoue la petite ville de Bobo au Burkina Faso, où cet établissement unique au monde, surnommé "l'hôpital du plaisir" par ses sponsors, et construit pour aider les femmes excisées à connaître une vie sexuelle normale, ne pourra sans doute plus recevoir de patientes. En cause un problème d'ordre religieux : le projet a été financé par des Américains membres de la secte de Raël.
Reconstruire le clitoris pour rendre possible le plaisir sexuel
L'équipe médicale débarquée des États-Unis avait pourtant commencé à intervenir sur les femmes qui affluent de tout le continent africain pour se faire opérer. Le docteur Marci Bowers n'a pas hésité à s'expatrier en Afrique, parce que, dit-elle, « la mutilation génitale féminine est un crime contre l'humanité », et de préciser : « Je prends part à une mission humanitaire. Je ne suis pas Raëlienne mais je pense que ce projet est formidable. » D'après la praticienne, l'opération de reconstruction du clitoris est un procédé très simple qui peut être effectué en 45 minutes sous anesthésie locale. « Le clitoris est une glande et, même si la partie visible a été coupée lors de l'excision, la plus grande partie reste sous la surface et peut être tirée vers l'extérieur, et de fait restaurée », décrit la journaliste de la BBC qui a assisté à une intervention.
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Si le fond du projet ne fait pas débat, la construction de l'hôpital a d'ailleurs été approuvée par le gouvernement burkinabé, c'est l'origine des financements qui pose problème. Il y a une dizaine d'années, un groupe de Raëliens du Canada et de Californie lancent une campagne de mobilisation baptisée Clitoraid, invitant les donateurs à « financer un clitoris ». Ils récoltent 400 000 dollars et entament la construction de l'hôpital du plaisir. Huit ans plus tard, à quelques jours de l'ouverture officielle, le gouvernement fait blocage. Les raisons invoquées seraient d'ordre administratif, mais des déclarations du ministre de la Santé du Burkina Faso laissent deviner un malaise idéologique : « Les organisations médicales doivent travailler à sauver des vies et non pas à promouvoir leur religion pour tenter de convertir des populations vulnérables. »
Le mouvement Raëlien est né en France dans les années 70 sous la houlette de Claude Vorilhon, dit Raël. Celui-ci prétendait avoir été enlevé par des extraterrestres qui lui auraient révélé certains secrets sur la création du monde. Considérée comme sectaire, la religion raëlienne n'a pas de dieu et prône la foi dans le progrès scientifique, le culte du plaisir et la liberté sexuelle.
Le cas de l'hôpital du plaisir se retrouve de fait au centre d'un bras de fer religieux. D'après la présidente du projet Clitoraid, Brigitte Boisselier, les catholiques aurait entamé une campagne de dénigrement contre l'établissement, une allégation rejetée par l'Église catholique locale.
Grandes perdantes de l'histoire, les Africaines mutilées, qui seraient au nombre de 130 millions sur le continent, ne peuvent qu'espérer que la résistance de médecins américains fera plier le gouvernement, ou que de nouveaux donateurs moins engagés dans le prosélytisme sexuel s'emparent de leur cause.
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