Michèle Moreau : J’ai découvert la République de Sierra Leone fin 2004. Le pays sortait alors de 10 ans de guerre civile, et la population était complètement démunie. J’ai donc souhaité leur apporter mon aide en mettant en place un programme de scolarisation. La demande était forte, très vite j’ai eu la scolarisation de 75 enfants à charge.
Ce n’est qu’en 2007 que j’ai découvert que l’excision était encore largement pratiquée dans le pays. En effet, le taux d’excision y est encore de 99 %. Cette situation m’étant insupportable, j’ai proposé aux chefs de village et aux familles, de scolariser leurs enfants, dès 3 ans, à condition qu’aucune fillette du village ne soit plus excisée. Une offre très alléchante car ces populations sont très pauvres et l’école coûte très chère. L’association Masanga Education et Assistance (MEA) était née. J’ai ouvert la première classe de mon école enfantine en septembre 2007 avec 25 petites filles. A ce jour, nous en avons parrainé 259, un chiffre qui devrait s’élever à 400 d’ici la fin de l’année.
M. M. : Lorsque l’on pose la question, que ce soit aux femmes Bondos, la société secrète qui pratique cette mutilation en Sierra Leone, ou aux chefs de village, personne n’est capable de répondre clairement. On se contente de dire que l’excision est une tradition ancienne qui marque l’entrée dans la Bondos Secret Society et que si les petites filles ne sont pas excisées, elles ne seront pas « sérieuses » une fois devenues femmes.
Mais, en Sierra Leone, personne n’a vraiment intérêt à ce que les cérémonies pendant lesquelles se déroulent les excisions disparaissent. En effet, les femmes Bondos sont payées pour les organiser et les fillettes, qui n’ont alors que 3 ans, sont couvertes de cadeaux lors de ces cérémonies. C’est la raison pour laquelle l’association propose à ces communautés de nouvelles cérémonies où tous les rituels sont maintenus à l’exception de la mutilation génitale. Une alternative qui permet à MEA de respecter la tradition, le rôle des femmes Bondos dans leur société ainsi que leur emploi, tout en s’assurant qu’elles abandonnent cette pratique brutale.
M. M. : Les répercussions d’une excision sur la santé d’une petite fille, puis d’une femme sont multiples. Elle peut ainsi causer une hémorragie mortelle lors de la mutilation puis des infections très graves telles que la septicémie, des problèmes urinaires, des douleurs lors d’activités physiques simples comme la marche, des complications lors de l’accouchement dues à une mauvaise dilatation du col de l’utérus. Par ailleurs, l’excision engendre inévitablement des problèmes lors des relations sexuelles et une insensibilité physique.
M. M. : Elle est pratiquée partout en Sierra Leone, davantage dans les campagnes qu’en ville et est encore largement d’actualité dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée, au Kenya, à Djibouti, en Ethiopie, en Somalie ou au Soudan. L’Egypte pratique également l’excision et plus particulièrement l’infibulation ou « excision pharaonique » qui consiste en l'ablation du clitoris, des petites et grandes lèvres puis à une suture de la vulve. Seul un orifice étroit est ménagé pour l'évacuation de l'urine et l'écoulement du flux menstruel.
Le Sénégal, le Burkina Faso et la Guinée ont pour leur part promulgué une loi interdisant et condamnant les mutilations génitales féminines.
Crédit photo : Association Masanga Education et Assistance/Fillettes de Matan
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