Société
Journée contre l'excision : « Personne ne connaît la symbolique de ce rituel »
Publié le 6 février 2012 à 17:33
Par Marie-Laure Makouke
Alors que depuis 2003, le 6 janvier est devenu une journée de sensibilisation internationale pour combattre et éradiquer les mutilations génitales, chaque année, deux à trois millions de fillettes sont encore victimes d’excision. Fondatrice et présidente de l’association Masanga Education et Assistance, Michèle Moreau lutte depuis 2007 contre ce fléau. Entretien…
Journée contre l'excision : « Personne ne connaît la symbolique de ce rituel » Journée contre l'excision : « Personne ne connaît la symbolique de ce rituel »© Association Masanga Education et Assistance/Fillettes de Matan
La suite après la publicité
Terrafemina : Comment votre association Masanga Education et Assistance lutte-t-elle contre l’excision ?

Michèle Moreau : J’ai découvert la République de Sierra Leone fin 2004. Le pays sortait alors de 10 ans de guerre civile, et la population était complètement démunie. J’ai donc souhaité leur apporter mon aide en mettant en place un programme de scolarisation. La demande était forte, très vite j’ai eu la scolarisation de 75 enfants à charge.
Ce n’est qu’en 2007 que j’ai découvert que l’excision était encore largement pratiquée dans le pays. En effet, le taux d’excision y est encore de 99 %. Cette situation m’étant insupportable, j’ai proposé aux chefs de village et aux familles, de scolariser leurs enfants, dès 3 ans, à condition qu’aucune fillette du village ne soit plus excisée. Une offre très alléchante car ces populations sont très pauvres et l’école coûte très chère. L’association Masanga Education et Assistance (MEA) était née. J’ai ouvert la première classe de mon école enfantine en septembre 2007 avec 25 petites filles. A ce jour, nous en avons parrainé 259, un chiffre qui devrait s’élever à 400 d’ici la fin de l’année.

TF. : Quelles est la symbolique de cette pratique ?

M. M. : Lorsque l’on pose la question, que ce soit aux femmes Bondos, la société secrète qui pratique cette mutilation en Sierra Leone, ou aux chefs de village, personne n’est capable de répondre clairement. On se contente de dire que l’excision est une tradition ancienne qui marque l’entrée dans la Bondos Secret Society et que si les petites filles ne sont pas excisées, elles ne seront pas « sérieuses » une fois devenues femmes.
Mais, en Sierra Leone, personne n’a vraiment intérêt à ce que les cérémonies pendant lesquelles se déroulent les excisions disparaissent. En effet, les femmes Bondos sont payées pour les organiser et les fillettes, qui n’ont alors que 3 ans, sont couvertes de cadeaux lors de ces cérémonies. C’est la raison pour laquelle l’association propose à ces communautés de nouvelles cérémonies où tous les rituels sont maintenus à l’exception de la mutilation génitale. Une alternative qui permet à MEA de respecter la tradition, le rôle des femmes Bondos dans leur société ainsi que leur emploi, tout en s’assurant qu’elles abandonnent cette pratique brutale.

TF. : Quelles sont les conséquences de cette mutilation sur les fillettes ?

M. M. : Les répercussions d’une excision sur la santé d’une petite fille, puis d’une femme sont multiples. Elle peut ainsi causer une hémorragie mortelle lors de la mutilation puis des infections très graves telles que la septicémie, des problèmes urinaires, des douleurs lors d’activités physiques simples comme la marche, des complications lors de l’accouchement dues à une mauvaise dilatation du col de l’utérus. Par ailleurs, l’excision engendre inévitablement des problèmes lors des relations sexuelles et une insensibilité physique.

TF. : Dans quels pays l’excision est-elle encore réalisée ?

M. M. : Elle est pratiquée partout en Sierra Leone, davantage dans les campagnes qu’en ville et est encore largement d’actualité dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, notamment en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée, au Kenya, à Djibouti, en Ethiopie, en Somalie ou au Soudan. L’Egypte pratique également l’excision et plus particulièrement l’infibulation ou « excision pharaonique » qui consiste en l'ablation du clitoris, des petites et grandes lèvres puis à une suture de la vulve. Seul un orifice étroit est ménagé pour l'évacuation de l'urine et l'écoulement du flux menstruel.
Le Sénégal, le Burkina Faso et la Guinée ont pour leur part promulgué une loi interdisant et condamnant les mutilations génitales féminines.

Crédit photo : Association Masanga Education et Assistance/Fillettes de Matan

VOIR AUSSI

Les exciseuses en Tanzanie
Djougal Traoré, au nom des femmes Burkinabés
Sexualité : assez masochistes pour se mutiler ?
Les rituels de mariage dans le monde

Mots clés
Société Monde droits des femmes
Sur le même thème
Victime de transphobie, l'actrice Karla Sofia Gascón décide de porter plainte contre Marion Maréchal
festival
Victime de transphobie, l'actrice Karla Sofia Gascón décide de porter plainte contre Marion Maréchal
29 mai 2024
Dans ce film fou, Dev Patel dénonce la persécution des personnes trans en Inde play_circle
Culture
Dans ce film fou, Dev Patel dénonce la persécution des personnes trans en Inde
23 avril 2024
Les articles similaires
Féminisme : mais qu'est-ce qui lie Julie Gayet à Gisèle Halimi ? play_circle
Société
Féminisme : mais qu'est-ce qui lie Julie Gayet à Gisèle Halimi ?
31 mai 2024
A Londres, les femmes noires sont davantage victimes de féminicides : pourquoi ? play_circle
Société
A Londres, les femmes noires sont davantage victimes de féminicides : pourquoi ?
29 mai 2024
Dernières actualités
Procès de Mazan : Charlie Hebdo scandalise avec cette "parodie" de "L'amour ouf" play_circle
scandale
Procès de Mazan : Charlie Hebdo scandalise avec cette "parodie" de "L'amour ouf"
17 octobre 2024
Sydney Sweeney méconnaissable et musclée : elle choque les machos avec ce nouveau look play_circle
people
Sydney Sweeney méconnaissable et musclée : elle choque les machos avec ce nouveau look
17 octobre 2024
Dernières news