Dix jours seulement après être passée devant le tribunal de Sousse pour détention illégale d'un spray lacrymogène, ce qui lui a valu une amende de 300 dinars, la sextrémiste tunisienne Amina Sboui (plus connue sous le nom d'Amina Tyler) est de nouveau devant la justice pour outrage et diffamation de fonctionnaires suite à la plainte de quatre des gardiennes de la prison de Messaâdine, où elle est incarcérée depuis maintenant deux mois. Lundi 22 juillet, peu avant midi, a débuté son procès au tribunal cantonal de M'saken. Elle comparaît au côté de Rabiaâ, une autre détenue poursuivie pour les mêmes faits.
Selon Le Monde, si Rabiaâ, la seconde détenue, est apparue au tribunal vêtue du sefsari, le voile traditionnel blanc, Amina s'est présentée au tribunal en tee-shirt rose, laissant apercevoir un tatouage sur son bras. Déterminée face aux juges, Amina Sboui a réitéré ses propos sur les mauvais traitements qu'elle affirme subir en prison. « Je suis jugée parce que j'ai dénoncé la torture et la violence exercées à l'égard des détenues », a-t-elle déclaré. D'après le comité de défense de la jeune femme et son avocate Me Radia Nasraoui, cette nouvelle inculpation pour outrage et diffamation de fonctionnaire « serait survenue à la suite de sa dernière audience, durant laquelle certains de ses avocats ont rapporté qu'Amina leur avait révélé des cas de torture » dans sa prison. Selon son père Mounir Sboui, la jeune féministe « a entendu des cris mais n'a pris part à aucune querelle. Cette nouvelle affaire est fabriquée pour la laisser en prison ».
Samedi 20 juillet, depuis la cellule où elle est retenue prisonnière, la Femen a expliqué attendre son procès avec sérénité et « ne pas avoir peur » de la justice tunisienne. « Que je sois gardée en prison pour longtemps cela ne m'importe pas. Je ne suis pas folle, je suis libre. Je suis derrière les barreaux mais je me sens plus libre que beaucoup de gens qui sont à l'extérieur. » La jeune femme a également dénoncé la « dictature religieuse qui s'empare de la Tunisie », concluant qu'« être derrière les barreaux [n'était] pas plus dur que d'être à l'extérieur ».
Peu après l'ouverture du procès d'Amina, ce lundi, le tribunal de M'saken a informé qu'il rendrait son jugement le 29 juillet prochain. Selon l'un des avocats de la défense Me Ghazi Mrabet, Amina risque jusqu'à un an de prison pour outrage à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions et six mois de prison pour diffamation.
Ses avocats ont pour leur part requis l'acquittement de la jeune femme et l'annulation des poursuites, avançant que de « graves vices de procédure » avaient entaché le procès et qu'Amina était victime d'une « affaire montée », destinée à dissimuler les cas de torture et de mauvais traitements à l'égard des prisonnières. Pour son avocat Me Mrabet, il ne fait aucun doute que ce procès « démontrera au peuple tunisien et à toute la planète qu'on est dans un système judiciaire injuste ». Son confrère, Me Souheib Bahri a lui aussi remis en cause « l'indépendance de la magistrature » tunisienne.
Dans l'attente du verdict, Amina a été reconduite dans sa cellule. Elle reste dans l'attente d'un éventuel autre procès, pour avoir, le 19 mai dernier, peint sur le muret d'un cimetière le mot « Femen », en signe de protestation contre un rassemblement salafiste à Kairouan. Dans l'attente d'une potentielle inculpation pour profanation de sépulture et atteinte aux bonnes mœurs, Amina sera maintenue en détention. Elle risque entre six mois et deux ans de prison.