Nina Simone, Rosa Parks, Frida Kahlo, la sniper de l'Armée rouge Lyudmila Pavlichenko, Billie Jean King, la vétérante militante des droits civiques et universitaire Angela Davis, la cosmonaute et politicienne Valentina Tereshovka, l'écrivaine Chimamanda Ngozi Adichie... sont autant de femmes puissantes dont le visage a été peint sur le mur d'un centre sportif de Madrid, en 2018. Une fresque féministe colossale de 60 mètres de long pour célébrer la diversité comme celles qui ont fait, et font encore aujourd'hui, l'Histoire. "Votre capacité ne dépend pas de votre genre", peut-on lire aux côtés des portraits de ces iconiques rôle-modèles.
Seulement, en 2021, soit trois ans après sa réalisation, ce projet fait débat. Son "message politique" surtout, semble ainsi insupportable aux yeux d'une partie du pays, révèle le Guardian. L'extrême droite espagnole, exactement, et plus précisément le parti Vox, qui souhaite remplacer l'oeuvre par quelque chose de plus en lien avec le sport. Une volonté soutenue par le conservateur Parti populaire (PP) et le Ciudadanos (centre-droit) qui est arrivée à ses fins, puisque jeudi 21 janvier, le conseil municipal a voté le remplacement de la fresque actuelle par la représentation d'athlètes paralympiques mixtes.
Une décision qui n'a pas tardé à susciter l'indignation au sein de la population.
Dimanche 24 janvier, les riverain·e·s se sont ainsi mobilisé·e·s devant le centre sportif pour lutter contre un verdict qu'ils·elles estiment injuste. En ligne, une pétition pour conserver la toile de street-art a même été lancée, récoltant en quelques jours plus de 56 000 signatures. Au sein des plus hautes sphères de l'Etat aussi, on prend position.
"La lutte féministe pour l'égalité a laissé une marque indélébile dans notre histoire", tweetait vendredi 23 janvier le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez. "C'est une bataille que nous continuerons à mener dans tous les domaines jusqu'à ce que nous fassions en sorte que les femmes puissent vivre librement et en toute égalité". De son côté, Jorge Nuño, membre du collectif à l'origine de la fresque, confie au journal El Diaro ne pas bien saisir pourquoi "en pleine pandémie et à la suite d'une terrible tempête de neige, les conseillers municipaux débattent d'une peinture qui se trouve sur le mur d'un centre sportif depuis trois ans".
Pour le maire conservateur de Madrid José Luis Martínez-Almeida (PP) en revanche, c'est très clair : cette bataille aussi louable soit-elle n'a rien à faire sur un bâtiment de la ville. L'élu a par ailleurs rejeté les suggestions selon lesquelles la décision de retirer la fresque était "une attaque contre le féminisme", rapporte le quotidien britannique, affirmant qu'il s'agissait en réalité bel et bien d'une preuve de la démocratie en action.
"La décision de l'enlever est aussi démocratique que celle de la peindre", a-t-il lâché. "Cette peinture murale n'existait pas il y a quelques années et le conseil a pris une décision lors d'une réunion. Etait-ce démocratique ? Oui. Est-ce démocratique d'accepter maintenant de l'enlever ? Oui, c'est démocratique". A croire que se sentir menacé par l'émancipation de la moitié de l'humanité aussi, serait "démocratique".
Auprès du Guardian, Jorge Nuño évoque : "Je pense que certaines personnes ont eu du mal à comprendre que les femmes représentées dans la fresque de quartier ne sont pas là pour des raisons politiques. Elles sont toutes là en raison de leur contribution sociale à l'égalité et parce que chacune d'entre elles s'est battue pour une véritable égalité et une société plus juste".
Grâce aux actions multiples des habitant·e·s et de la gauche, l'oeuvre a été sauvée in extremis ce mardi 26 janvier. La preuve s'il en fallait que chaque jour demeure, en 2021 encore, un combat pour nos droits et la visibilité de nos accomplissements.