Greta Bellamacina, réalisatrice et poétesse londonienne de 28 ans, devait vivre l'un des moments les plus importants de sa jeune carrière. Son film, Hurt By Paradise, a été sélectionné au Marché du Film de Cannes. Une formidable opportunité pour les cinéastes dont les oeuvres auront peut-être la chance d'être repérées par les distributeurs. Sauf que le rêve s'est transformé en grosse déception.
Lorsque Greta Bellamacina est arrivée au Palais des Festivals ce mercredi (15 mai), elle s'est vue refuser l'entrée. En cause ? Elle était accompagnée de son fils de 4 mois, qui, lui, ne disposait pas d'accréditation. Les organisateurs ont ainsi notifié à la réalisatrice qu'elle ne pourrait pas passer avec sa poussette et que si elle souhaitait pénétrer dans l'enceinte avec son fiston, elle aurait à débourser la modique somme de 300 euros pour un laisser-passer. Une contrainte que la jeune femme a acceptée.
Mais une autre (désagréable) surprise l'attendait : les employé·es du festival lui ont alors expliqué que son autorisation ne serait effective que 48 heures plus tard et lui ont demandé de quitter les lieux.
Scandalisée, la réalisatrice a réagi auprès du Guardian : "Je suis outrée par l'absurdité de cette attitude rétrograde. Comme si les femmes réalisatrices avaient besoin d'obstacles supplémentaires à l'égalité dans l'industrie cinématographique."
Elle poursuit : "C'est ironique, mon film raconte l'histoire d'une mère célibataire qui essaye d'équilibrer sa vie d'écrivain, ajoute la cinéaste. Elle est traitée d'une façon très condescendante dans le film, mais pas aussi grossièrement que je l'ai été aujourd'hui en tant que mère au Festival."
Un gros couac qui tombe mal. Cette année, le Festival de Cannes a justement lancé une plateforme baptisée Le Ballon Rouge dédiée aux parents accompagnés d'enfants, proposant une salle d'allaitement, des baby-sitters ou encore des salles de jeux pendant la quinzaine.
Face au tollé, l'organisation du festival a riposté, regrettant cette erreur regrettable.
"Malheureusement, Mme Bellamacina n'était pas au courant de ces nouvelles installations. Suite à une mauvaise communication de la part d'un membre de la sécurité et de l'accueil, un accès qui aurait dû lui être accordé lui a été refusé", explique-t-elle dans un communiqué. "Le festival déplore cette situation et fait tout pour rectifier le tir depuis. Mme Bellamacina aura ses badges et bénéficiera des accès qui lui permettront d'accéder aux différentes initiatives que nous avons prises cette année et pourra travailler dans les meilleures conditions possibles."
Si la situation de Greta Bellamacina est finalement rentrée dans l'ordre, cet incident souligne la façon dont l'industrie cinématographique, déjà gangrenée par les inégalités, peine à faciliter l'intégration des working mums. Des horaires extensibles à l'absence de commodités comme les salles d'allaitement, le cinéma reste un milieu peu accueillant pour ces mères qui travaillent, comme tant d'autres milieux professionnels.
La très puissante showrunneuse des séries Grey's Anatomy ou Scandal Shonda Rhimes a été l'une des premières à se saisir du sujet, expliquant au Los Angeles Times qu'elle en avait fait une priorité, incluant des salles de change, des salles de jeux ou des caravanes accessibles aux femmes enceintes sur les plateaux de tournage de ses productions.
"Cela fait patrie de la culture ici que personne ne tiquera en voyant en gamin par terre dans les bureaux. Quand j'ai écrit Grey's Anatomy, je l'ai écrit avec un bébé accroché à moi. Ma fille a appris à arpenter les couloirs de Grey's. Pour moi, c'était juste ainsi que cela fonctionnait." A quand une vraie prise de conscience globale ?