Le gaspillage alimentaire ? Selon la définition retenue dans le Pacte national "anti-gaspi", il désigne "toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée". Et en France, il pèse lourd, trop lourd. 10 millions de tonnes : c'est le poids annuel et hallucinant du gaspillage alimentaire estimé chaque année. Et au global, le gaspillage alimentaire représente 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
Alertée par ce fléau, Lucie Basch a décidé d'agir. Après un début de carrière dans l'agro-alimentaire au Royaume-Uni, cette ingénieure de formation décide de démissionner au bout de 18 mois. "J'étais chargée d'améliorer les process, pour produire toujours plus. J'ai toujours été sensible au gaspillage alimentaire et ce que je voyais dans l'industrie n'avait aucun sens !"
C'est à ce moment-là que lui vient une idée : et si elle développait un concept anti-gaspi ? C'est ainsi que l'appli Too Good To Go voit le jour en 2016. Le principe : le consommateur achète un "panier surprise", composé des invendus du jour des commerçants du quartier. Et le succès se révèle fulgurant. 5 millions de téléchargements, 10 000 commerçants partenaires et 9 millions de repas sauvés. Des chiffres impressionnants et un cercle vertueux car l'application joue un véritable rôle de sensibilisation tout en restant ludique.
Alors qu'elle vient de sortir un Guide Anti-Gaspi aux éditions Leduc.s, la jeune entrepreneuse de 27 ans (couronnée du prix Margaret 2018 lors de la Journée de la femme digitale) revient sur la création de son appli à vocation green et livre ses conseils pour concilier vie pro et vie perso.
Lucie Basch : Un jour, en rentrant chez moi, je suis passée devant une boulangerie qui fermait et qui allait ses restes de pain à la poubelle. J'ai proposé à la dame de lui acheter le lot pour lui éviter de partir à la poubelle, qu'elle m'a vendu au rabais. C'est ainsi que l'idée de Too Good To Go a germé.
Pourquoi avez-vous eu envie de vous mobiliser contre le gaspillage alimentaire particulièrement ?
L.B. : J'ai toujours été très sensible au gaspillage alimentaire parce que c'est une véritable aberration ! Un tiers de ce que l'on produit dans le monde part à la poubelle, en France ce sont 10 millions de tonnes de nourriture qui sont jetées chaque année. Outre son impact sociétal (aujourd'hui 870 millions ne mangent pas à leur faim dans le monde), le gaspillage alimentaire a un impact écologique énorme. Le gaspillage alimentaire était un pays, il serait le troisième plus gros pollueur après la Chine et les Etats-Unis. On ne peut pas accepter cela !
Quelles ont été vos allié·e·s dans votre parcours pro ?
L.B. : Mes proches m'ont toujours soutenue. Et j'ai la chance de travailler entourée d'amies proches. Confiance, entraide et engagement sont notre mantra. J'ai aussi eu l'opportunité de bénéficier de conseils d'entrepreneurs, femmes ou hommes, qui ont aiguisé ma réflexion et ma stratégie en tant qu'entrepreneuse.
Frédéric Mazzella, qui a fondé Blablacar et Lea Zaslavsky, qui a confondé Makesense, m'ont donné énormément de conseils utiles et m'ont poussée à vraiment réfléchir à l'impact que je souhaitais pour Too Good To Go.
L.B. : Principalement agir pour une cause ou un sujet qui nous tient vraiment à coeur. C'est la base de la motivation et rien n'est plus simple que de se donner à fond quand on croit à ce qu'on fait.
L.B. : Mon impulsivité m'a permis de me lancer sans réfléchir à trop long terme. C'est une belle qualité mais cela m'a permis de m'engager sans trop me poser de questions.
L.B. : Avoir un carnet de notes à portée de main pour noter de suite idées, to-do lists... bref, me "désencombrer" l'esprit et profiter de l'instant présent. M'évader le week-end dans la nature pour me ressourcer et déconnecter.
L.B. : Je me déplace à vélo, je fais du yoga et dès que je peux m'échapper en pleine nature, je saute sur l'occasion !
L.B. : Quand je rencontre un problème, je fais toujours l'exercice de prendre du recul, faire un pas en arrière pour avoir une meilleure vue d'ensemble de la situation et changer de perspective et d'adapter sa stratégie. Je relativise en me disant que l'essentiel va bien, et en me disant : "Dans le pire des cas, qu'est-ce qu'il se passe ?".
Les trois femmes qui vous ont le plus inspirée dans votre vie ?
L.B. : Ma mère, toujours positive et pleine de ressources : peu importe l'initiative qu'elle lance elle y mettra tout son coeur et son énergie. De plus elle m'a toujours soutenue. Myriam Bourré d'Open Food Network, si passionnée qu'elle emmène les foules. Michelle Obama pour son engagement et son impact, elle a toujours fait passer les autres avant.
L.B. : Greta Thunberg. En donnant un coup de pied dans la fourmilière, elle a su donner à la lutte pour le climat la place qu'elle méritait dans le débat public. Et qu'on l'aime ou non, sa conviction et sa ténacité sont exemplaires.
L.B. : Il faut accepter ce qu'on ne peut pas changer et changer ce qu'on ne peut accepter !
L.B. : La parution du premier livre Too Good To Go, le Guide Anti-Gaspi ! C'était un pari, ça nous a demandé beaucoup de travail en amont mais quand on voit les premiers retours, on se dit que ça valait le coup...
Lancer Too Good To Go ! J'ai commencé avec une équipe de bénévoles surmotivés et enthousiasmés par le projet. On faisait du porte-à-porte pour convaincre les commerçants de nous rejoindre. Je n'aurais jamais pensé que 3 ans plus tard on serait présents dans 14 pays et qu'on aurait sauvé plus de 22 millions de repas.
L.B. : S'écouter et se lancer !
L.B. : Réfléchir à toutes nos petites habitudes du quotidien et leur impact. En tant que consommateurs, nous avons un pouvoir incroyable, dont nous n'avons pas nécessairement conscience, pour forcer les marques, mais aussi les pouvoirs publics à changer à adapter leur offre et leur manière de faire.