"Il est interdit à une femme non mariée, qu'elle soit vierge ou non, de voyager (comprendre quitter l'enclave palestinienne, ndlr) sans permission d'un tuteur qui peut lui refuser de voyager en cas de préjudice", actait dimanche 14 février Hassan al-Joujou, président du Conseil suprême de la charia (loi coranique) à Gaza, dirigée par le Hamas, mouvement islamiste palestinien qui y est particulièrement actif.
Par tuteur, les autorités locales entendent le père, le frère ou un autre parent plus âgé, précise RFI. Une mesure qui s'applique également aux jeunes hommes non mariés, à la différence que ces derniers n'auront pas besoin d'autorisation obligatoire enregistrée au tribunal, contrairement aux ressortissantes. Quant à la définition de "préjudice", le conseil ne l'a pour l'instant pas communiquée.
Le président justifie ce texte qu'il estime "équilibré, conforme aux lois civiles et islamiques" en expliquant qu'il a été signé suite à des incidents passés, lorsque des jeunes filles ont voyagé à l'insu de leurs parents, et des hommes sont partis en laissant leur femmes et leur enfants seuls sur le territoire sous blocus israélien et égyptien.
A noter, rappelle encore RFI, que la mesure a été prise seulement quelques jours après le lancement d'une campagne pour aider et sauver deux jeunes filles qui tentaient de fuir les violences conjugales et sexuelles de leur famille en quittant Gaza.
Sur les réseaux sociaux, l'indignation fait du bruit. Les voix s'élèvent face à cette attaque contre les droits des femmes, beaucoup accusant directement le Hamas de les faire reculer, lequel a déjà instauré l'imposition d'un code vestimentaire islamique aux avocates et aux lycéennes.
La militante féministe Zainab al-Ghunaimi, basée sur place, dénonce un jugement qui contrevient à la loi fondamentale palestinienne, qui accorde pourtant l'égalité des droits aux adultes, et interpelle sur la façon dont les autorités "font marche arrière dans la protection des droits de l'homme", relève le Guardian. Elle fait également remarquer que la même instance juridique permet à une femme de se marier à l'âge de 16 ans et d'obtenir des documents de voyage par elle-même.
Pour l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme aussi, il s'agit d'une "une violation claire de la Loi Fondamentale Palestinienne et des pactes internationaux pertinents, et d'une violation flagrante du droit à la circulation". L'ONG exhorte ainsi, comme le Front démocratique de libération de la Palestine (parti de gauche), le Conseil suprême à abolir la circulaire.
Ce mardi 16 février, suite aux nombreuses réactions et manifestations devant le bureau de l'institution coranique, Hassan al-Joujou a accepté de la reformuler. Reste à savoir dans quel sens. Certains analystes attirent eux l'attention sur une possible stratégie du mouvement de consolider un vote auprès sa base électorale conservatrice et religieuse en amont des élections de mai, les premières en 15 ans.