"Ce qui ressort est un manque d'écoute, d'empathie et le poids assourdissant de ce silence imposé par la société ou parfois par les femmes elles-mêmes, par habitude ou par crainte." Dans un entretien pour Libération, la députée indépendante des Français d'Amérique latine et des Caraïbes Paula Forteza met des mots sur une réalité préoccupante, et pourtant si peu abordée : l'absence de prise en charge qui entoure les trois premiers mois de grossesse.
Pire encore, l'injonction à se taire qui pèse sur les femmes jusqu'à ce qu'elles aient passé ce "cap" après lequel les fausses couches deviennent plus rares. De quoi induire une culpabilisation insidieuse à celles qui les subissent - ce fut le cas de l'élue, comme d'une femme sur dix - et les plonger dans une solitude ravageuse.
Pourtant, cette période est particulièrement éprouvante, et nécessiterait - au-delà d'un accompagnement médical soigné - une reconnaissance sociétale véritable. "Alors qu'ils sont les plus durs à endurer, elles vivent ces trois premiers mois de grossesse isolées malgré de vrais symptômes physiques : nausées, vomissements, états narcoleptiques", énumère Paula Forteza.
Pour alerter et offrir des solutions à cette situation urgente, l'élue s'est entourée de Judith Alquien, autrice de Trois Mois sous silence : le tabou de la condition des femmes en début de grossesse (Payot, 2021) et de l'illustratrice Mathilde Lemiesle. De leur collaboration sont nées 17 mesures, présentées ce jeudi 4 novembre devant l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen du budget 2022. Mais aussi, le recueil de 450 témoignages de concernées, qui prouvent l'urgence qu'il y a à agir à une échelle nationale.
"Enormément de femmes confient cette difficulté à ne pas pouvoir expliquer leur mal-être et donc cette impossibilité de se sentir accompagnées", poursuit Paula Forteza auprès de Libé.
Alors, les trois femmes ont imaginé des changements salutaires.
"Nous plaidons en premier lieu pour la mise en place d'un grand programme de recherche sur la question du corps des femmes. Autre élément central : la prise en charge par l'assurance maladie de 100 % des frais médicaux dès le premier jour de la grossesse". Un remboursement qu'elles souhaitent également voir appliqué aux consultations psychologiques dès le début de la grossesse ainsi que pour les jeunes mères.
Le milieu du travail aussi est passé au crible, puisque c'est dans la sphère pro que les femmes doivent principalement taire leur état jusqu'au deuxième trimestre. "[Les futures mères] témoignent de nombreuses situations indignes, vécues particulièrement dans le contexte professionnel, comme devoir se cacher dans les toilettes pour faire des siestes. Une enseignante nous disait également qu'elle vomissait face à ses élèves sans pouvoir expliquer pour quelle raison", déplore encore Paula Forteza à Libé.
Améliorer ces conditions reviendrait notamment à instaurer un droit au télétravail, l'aménagement des postes des femmes qui travaillent souvent debout ou en contact avec du public, et en cas de fausses couches : un congé payé de trois jours calqué sur celui mis en place en Nouvelle-Zélande. "Cela donnerait en outre une reconnaissance symbolique à ce moment particulier et à ce que ces personnes éprouvent", conclut l'élue. Et il serait temps.