"Je suis tombée enceinte il y a six semaines". Le 5 juin dernier, la journaliste de RMC Céline Kallmann a partagé un récit intime et pourtant commun à de nombreuses femmes : celui de l'interruption de sa grossesse, et du traitement que le personnel de santé lui a réservé. Elle entame : "Ce vendredi soir donc, je me suis couchée tôt, et je n'ai pas eu de mal à trouver le sommeil. Le matin, j'ai senti que quelque chose avait changé. Quand j'ai soulevé la couette, j'ai vu du sang, beaucoup de sang sur mon pyjama blanc. Et j'ai su, j'ai su que c'était fini".
La suite se passe à l'hôpital. Encouragée par ses proches à aller aux urgences, après deux jours à perdre du sang, elle s'y rend un lundi à la fin de sa journée de travail "en décalé" (elle intervient dans l'émission matinale de la chaîne d'info). "Debout depuis 1h20 du matin, bientôt à terre". A l'accueil, une femme l'interroge sur la raison de sa venue et réclame sa carte vitale. "Elle ne m'a pas demandé comment j'allais". Elle attend. Un infirmier la prend en charge, vérifie sa température et sa tension. "Il ne m'a pas demandé comment j'allais".
C'est au tour de la gynécologue de s'occuper d'elle. Céline Kallmann lui explique ce qui "lui arrive". "J'étais enceinte et je crois que je ne le suis plus". La médecin lui dit que l'externe l'auscultera. "Avant d'enfoncer la sonde dans mon vagin et donc avant même de savoir si j'étais encore enceinte, la gynéco, le sourire dissimulé sous son masque m'a lancé 'c'est bien, bravo, vous êtes encore fertile à 40 ans'. J'ai eu envie de lui faire manger ses dents", lâche la journaliste. Jamais on ne lui demandera comment elle va.
Le lendemain, l'interne l'appelle pour lui donner les résultats de sa prise de sang. "Vous étiez bien enceinte", confirme-t-elle. "J'étais bien enceinte, comme s'il y avait un doute, comme si j'avais pu inventer toute cette histoire", commente à son tour Céline Kallmann. Un médecin que connaît son mari - et qu'il avait contacté le matin - lui écrit : "Comment ça va ce soir ? Le chef de garde m'a prévenu : utérus vide ?".
"Voilà ce que nous sommes les femmes qui perdons un embryon. Mais nous perdons beaucoup plus que cela. Et comme personne ne le voit, personne ne le sait", poursuit-elle. "Cette nuit-là, il y a eu un article sur le site de Ouest-France: 'une femme sur 10 a fait une fausse couche, un phénomène trop souvent minimisé'. L'actualité me poursuit. Je suis cette femme sur 10. Nous sommes ces femmes sur 10".
Si elle publie ce texte, précise la journaliste, c'est pour sensibiliser à un vécu trop souvent balayé. "C'est peut-être pour espérer que demain, un médecin n'oubliera pas de demander à sa patiente comment elle va, que si elle a besoin d'aide, elle y a droit et qu'elle n'est pas obligée de serrer les dents et d'avancer comme si rien ne s'était passé. Comme si cette grossesse - qui a duré si peu de temps - était fausse."
Elle conclut, percutante : "'Fausse couche'. Voilà un mot à bannir du dictionnaire ! Car il n'y a rien de plus vrai qu'une fausse couche..."