700, c'est le nombre de parturientes qui meurent chaque année pendant l'accouchement, ou peu après, constate le Center for Disease Control and Prevention (CDC) américain. Toujours selon l'institution, les femmes noires sont confrontées à davantage de risques d'y laisser leur vie. Trois fois plus au moins, estime-t-il, dont les chiffres sont rapportés par CBS News.
"Il y a une multitude de raisons, et c'est une statistique horrible", commente auprès du média Errol Pierre, vice-président des programmes de l'État de New York chez Healthfirst, un assureur santé à but non lucratif. Et d'ajouter que l'une d'elle ne serait autre que la façon dont le personnel soignant traite les patientes noires. "Une étude menée en Floride a montré que les enfants noirs avaient un taux de natalité et un taux de survie plus élevés lorsqu'ils étaient accouchés par des médecins noirs", ajoute-t-il.
Ce sentiment d'être "négligée" par le corps médical, Danisha Baughan l'exprime justement. C'est ce qu'elle explique avoir ressenti lors de ses deux premiers accouchements. Alors, pour son troisième enfant, elle s'est rendue dans une maison de naissance, un établissement où les futures mères sont accompagnées par des sages-femmes, et accouchent physiologiquement. Une décision qui lui a permis d'obtenir une "meilleure expérience", qu'elle pense peut "sauver des vies".
Ce terrible constat ne s'observe pas uniquement outre-Atlantique. Outre-Manche aussi, les Britanniques noires sont confrontées à ces mêmes inégalités fatales. La proportion y est d'ailleurs supérieure.
Le rapport de Mbrrace, programme qui étudie les décès maternels et la morbidité grave, la mortinatalité, les décès et la morbidité infantiles, montre ainsi que le risque de mourir pendant la grossesse ou l'année qui suit l'accouchement est d'environ 7 sur 100 000 pour les femmes blanches, 12 sur 100 000 pour les femmes d'origine asiatique et d'environ 32 sur 100 000 pour les femmes noires. Soit un risque au-delà de 4 fois plus élevé pour ces dernières.
"Les femmes enceintes reçoivent des soins inéquitables pour plusieurs raisons", analyse l'autrice leader de l'enquête, Pre Marian Knight. "Les professionnels de santé attribuent souvent leurs symptômes à la seule grossesse et elles ne reçoivent pas toujours le traitement dont elles ont besoin parce que les gens peuvent être inquiets à tort de leur donner des médicaments. À cela s'ajoutent les préjugés inconscients que peuvent subir les femmes noires et asiatiques. Tout cela s'additionne."
La spécialiste précise toutefois que la recherche d'autres facteurs pouvant expliquer ce fossé dramatique reste nécessaire.
Amy Gibbs, directrice générale de Birthrights, organisme de protection des droits humains dans la naissance qui a réalisé son propre rapport, épingle également ces comportements racistes auprès de la BBC.
"Les thèmes émergents de notre enquête, étayés par les témoignages des professionnels de la santé, incluent le sentiment d'insécurité, l'ignorance ou le rejet de leurs préoccupations, le refus de soulager la douleur en raison de stéréotypes raciaux (connu en France comme le syndrome méditerranéen notamment, ndlr), et des micro-agressions omniprésentes causant du tort ou de la détresse", énumère-t-elle.
La solution ? Pre Marian Knight en martèle une partie, urgente : celle de s'attaquer aux "préjugés culturels et structurels plus larges qui affectent les soins prodigués aux femmes en raison de leur grossesse ou de leur potentiel de grossesse, pour prévenir la mortalité maternelle".
Aux Etats-Unis, la représentante démocrate de l'Illinois Lauren Underwood, aussi infirmière diplômée, oeuvre à promouvoir un projet de loi visant à débloquer 1 milliard de dollars pour "augmenter le nombre et la diversité de nos travailleurs en soins de santé maternelle", développe-t-elle à CBS News.
"Cela signifie plus d'obstétriciens, plus de sages-femmes, plus d'infirmières sages-femmes, plus de consultantes en lactation, plus de doulas. Parce que nous pensons que chaque personne qui accouche dans ce pays devrait avoir le choix de ses prestataires". Une conclusion à généraliser par-delà les frontières.