Une fréquence de naissances prématurées qui a doublé ou triplé ces dernières semaines, voilà ce que constatent les cliniques prénatales de Kharkiv, située dans l'Est du pays, et de Lviv, située à l'Ouest. D'après Iryna Kondratova, médecin de l'établissement oriental, le phénomène est tel qu'il représente 50 % des cas dans son service, bien que le nombre de parturientes ait, lui, drastiquement baissé si elle compare à l'avant invasion russe.
"Infections, manque de soins médicaux, mauvaise nutrition : la guerre crée des risques", alarme la soignante auprès de la BBC, dans un article relayé par Slate. La spécialiste s'occupe, entre autres nourrissons, de Polina, une nouvelle-née de 630 grammes. Un poids 5 fois inférieur à celui d'un bébé à terme.
"Notre taux de naissances prématurées était déjà élevé, car nous avions beaucoup de patientes [issues des territoires séparatistes] de Donetsk et de Lougansk", précise-t-elle. "Dans les zones de conflit, les femmes passent beaucoup de temps dans des sous-sols surpeuplés, où les infections sont actives. Et il est également plus difficile pour [elles] d'atteindre une aide médicale si elles en ont besoin."
A Lviv, la mère de Viktoria, née en pesant à peine 800 grammes, et de sa soeur jumelle Veronika raconte avoir vécu dans un abri niché dans les sous-sols de Kyiv avant de fuir pour la région occidentale de l'Ukraine, juste avant son accouchement à 7 semaines du terme. Pour elle, ça ne fait aucun doute : le stress de ces journées passées sous terre est en grande partie responsable de la prématurité de ses filles.
Comme pour Olga Bogadiza, elle aussi originaire de la capitale, qui a réussi à rejoindre Lviv après un voyage de 3 jours guidé par la peur. "Connaissez-vous l'expression 'peur animale' ?", demande la jeune femme russe mariée à un Ukrainien, à Lucy Williamson, journaliste pour le média britannique.
"Ce n'est pas comme la peur de la douleur, ou de l'accouchement - c'est la peur qui vous fait mal à la peau. Vous avez tellement peur que vous ne pouvez pas manger ou penser. Quand je suis arrivée à Lviv, le médecin a dit que j'avais perdu 3,5 kg et que la vie de mes bébés était en danger parce que leur développement s'était arrêté." Aujourd'hui, heureusement, leur croissance reprend.
A Kharkiv, chaque annonce d'attaques aériennes dirige les patient·es qui peuvent se déplacer dans un refuge sous la clinique. Les bébés les plus fragiles, eux, sont gardés en soins intensifs. "Vous ne pouvez pas emmener un enfant de 600 grammes dans une cave. Alors on reste et on vit sous les bombardements avec eux", explique Dre Iryna Kondratova.
Et si la ville de Lviv n'est pour l'instant pas menacée par les frappes de l'armée de Poutine, l'établissement a déjà commencé à aménager "un bunker spécial pour accueillir les enfants les plus fragiles, en couveuse, dans de bonnes conditions", rapporte Slate.
"Lorsque les bébés sont prématurés, ils ont besoin de toutes sortes de soins médicaux, et de plus en plus, ces soins doivent être prodigués dans des bunkers où ils n'ont pas l'hygiène ou les installations [et] sont bombardés", dénonce de son côté James Elder, porte-parole de l'Unicef.
Et de conclure : "Attaquer des hôpitaux, des attaques indiscriminées, empêcher l'aide humanitaire pour les enfants - ce sont des violations claires du droit humanitaire international."