La honte, la peur ou le coût d'une action en justice. Tels sont les principaux freins qui empêchent les femmes victimes de violences sexuelles de témoigner ou d’entamer une action en justice. « C'est le seul crime en France au sujet duquel on a encore honte de porter plainte », remarquait Tristane Banon, lors d’un forum organisé sur ce thème par un magazine féminin. Or « le seul moyen de passer à autre chose est d'en parler, de mettre l'agresseur face à ses responsabilités », rappelle l'écrivain, qui a porté plainte pour tentative de viol contre Dominique Strauss-Kahn.
D’autant que, si l’on en croit la sociologue Véronique Le Goaziou, « nous sommes à un moment paradoxal, puisque nous n'avons jamais été aussi loin dans la dénonciation des violences sexuelles, jamais la réprobation sociale n'a été aussi forte qu'aujourd'hui, jamais les agresseurs n'ont été autant condamnés ». Pourtant, alors qu’au moins 445 000 femmes sont chaque année victimes de violences physiques et sexuelles - dont plus de 300 000 par leur conjoint – seulement 10 % d’entre elles portent l’affaire devant la justice.
Et pour cause, s’agissant des violences commises au travail, par exemple, « les femmes sont prises dans un carcan, car il y a une dépendance économique. Parler présente un risque pour la carrière », explique Laurence Laigo, secrétaire nationale de la CFDT. En outre, les coûts engendrés par une procédure judiciaire rebutent nombre de victimes. Bien souvent, les femmes qui ont le courage de sauter le pas « perdent leur emploi suite aux violences subies et ne sont pas en mesure de payer un procès », constate Marilyn Baldeck, déléguée générale de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).
À cet arbitrage financier s’ajoute bien souvent l'absence de soutien dans l’entourage professionnel. « Les collègues retournent leur veste quand il s'agit de faire éclater la vérité. On remet en cause nos vêtements, notre comportement », témoigne une femme, victime de viol en réunion sur son lieu de travail.
Enfin, autre frein évident : la peur. « Les violences sexuelles et les viols, entraînent des troubles psycho-traumatiques », insiste la psychiatre et victimologue Muriel Salmona. Et d’ajouter : « les victimes gardent en mémoire les pires choses qui leur sont arrivées et restent pétries de peur ».
Crédit photo : Goodshoot
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