Yaël Mellul : Je me suis énormément battue pour la création de ce délit. Il y a 3 ans et demi lorsque j’ai commencé à travailler dessus, tout le monde était opposé. On me regardait avec des yeux ronds, mais j’étais déterminée. Je ne comprenais pas que personne ne mesure les dégâts que pouvaient provoquer des mots chez un être humain. J’ai contacté le cabinet de Valérie Létard, alors secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, nous avons constitué un groupe de travail. Je souhaitais que ce délit de violence psychologique soit expressément défini dans ses éléments constitutifs, pour que les victimes puissent porter plainte.
Y.M. : Ce sont des actes ou des propos qui sont perpétués par l’auteur (le mari ou le compagnon) de manière répétée et qui conduisent à une destruction psychologique de la victime et à la perte de ses repères. La violence psychologique est faite de dénigrements, d’insultes, d’humiliations répétées. Dans la majorité des cas, elle intervient en amont de la violence physique. D’où l’intérêt de création de ce délit, il fallait que l’on dise que cette violence est condamnable, que les choses soient rendues publiques.
Y.M : Les victimes sont en totale perte d’identité. Elles ont beaucoup de mal à prendre conscience que ce qu’elles vivent est inacceptable, elles ne parviennent plus à discerner le tolérable de l’intolérable. Les femmes victimes de violences psychologiques sont détruites, isolées. Elles ont été plongées dans une sorte d’enfermement mental qui les empêche de protester. Elles supportent cette violence jusqu’au moment où elles ont un déclic, un dérapage qui fait qu’elles vont se dire qu’il y a quelque chose d’anormal. Elles vont alors réaliser qu’elles doivent fuir. C’est là que commence le travail de reconstruction psychologique.
Y.M. : Rien n’est précisé dans le texte de loi. La preuve est libre en droit pénal. Les adversaires de ce délit disent que la preuve est impossible. C’est faux. La preuve directe est difficile à apporter car cette violence psychologique se passe dans le huis clos familial. On doit aller chercher des témoignages du côté de l’entourage de la victime, des proches, qui constatent une dégradation de la santé (dans la plupart des cas), un isolement, une privation d’argent, un abaissement des conditions de vie. La preuve se fait par les textos, les mails, qui peuvent montrer la pression qui est exercée sur la victime, les certificats médicaux délivrés par des médecins montrant qu’il y a eu une altération de la santé psychique et physique de la victime. Ces faisceaux d’indices prouvent qu’il y a délit de violence psychologique, ils confirment l’état de délabrement dans lequel on retrouve ces femmes. Les agresseurs sont exposés à une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.
Y.M. : Ce délit est une avancée spectaculaire, il faut que ça marche maintenant. Des plaintes ont été déposées mais nous n’avons pas encore de condamnation. On prend conscience progressivement que les violences faites aux femmes sont un véritable fléau. Et qu’avant la violence physique, il y a la violence psychologique qui conduit à une mort intérieure. Seulement 10 % des femmes victimes de violences conjugales portent plainte, les chiffres sont exponentiels, aujourd’hui en France, une femme est plus en danger chez elle que dehors, rapporte l’Observatoire de la délinquance. J’ai déjà des clientes qui ont porté plainte. Leur plainte a été reçue et il a été considéré qu’il y avait préjudice. Mais en province des femmes ont vu leur plainte refusée. Il y a encore un mépris pour cette violence due à une méconnaissance. C’est pour cela qu’il est fondamental de former les magistrats, la police, de sensibiliser le grand public. Plus il y aura d’articles dans la presse, des campagnes de mobilisation, plus les victimes parleront.
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