La scène se déroule dans le village de Chitrakoot, au Nord de l'Inde, lors d'un mariage. En pleines festivités, une danseuse livre une performance aux côtés de sa consoeur. Mais un problème technique survient et interrompt la musique. La danseuse s'arrête. Rapidement, des plaintes masculines se font entendre dans l'assistance. Un homme, potentiellement ivre, ne le supporte pas : il tire sur la danseuse anonyme. Celle-ci est blessée à la mâchoire. Elle sera hospitalisée à Kanpur. Abattue pour avoir cessé de danser...
C'est un fait divers qui suscite l'indignation, et dont les images, captées en vidéo, sont partagées sur les réseaux sociaux depuis le 1er décembre. Lorsque la musique s'arrête, l'on entend clairement l'homme décocher une menace : "des coups de feu seront tirés" ("Goli chal jayegi"). On ne peut guère être plus clair... Bien que qualifié "d'incident", cette séquence n'a rien d'inédite : elle en dit long sur la condition des femmes en Inde.
Car si les coups de feu sont coutumiers dans ce genre de célébrations locales, les "incidents" le sont également. Et étrangement, ils touchent toujours les mêmes personnes. En 2016 déjà, une femme avait été touchée à la poitrine par une "balle perdue" lors de "festivités" folkloriques. Comme le rappelle le site britannique The Independent, elle était morte sur les lieux. Sa fille de onze ans, elle aussi, avait été blessée par balles ce jour-là. On aurait tort de parler d'exceptions : la liste s'étire ad nauseam.
La même année encore, précise en ce sens la BBC, c'est une femme enceinte qui était décédée suite à un "incident" similaire. Elle aussi exécutait une danse lors d'un mariage, dans l'État du Pendjab. Elle a reçu une balle à l'estomac. Même scénario en 2018. Souhaitant célébrer le mariage de sa fille, un homme avait tiré en l'air. L'une des balles a atteint sa voisine au front. Elle est morte sur le coup.
Bref, les exemples abondent et l'énumération pourrait continuer longtemps. Ces faits divers démontrent avant tout qu'en Inde, les femmes, quand elles ne sont pas sciemment violentées par les hommes (victimes d'agressions sexuelles systématiques, de châtiments physiques divers, et ce dès l'enfance), deviennent les "victimes collatérales" des traditions patriarcales. Des rituels dont les conséquences macabres ne sont plus à prouver.
Ce qui révolte désormais, c'est l'impunité du ou des potentiels agresseurs, comme le souligne The Independent. S'il a fallu une semaine à la police pour arrêter deux hommes, les autorités recherchent encore un autre suspect. Il a été déclaré "en fuite" par la police, laquelle "aurait agi trop lentement" selon les internautes. Un drame de plus au sein du "pays le plus dangereux pour les femmes".