Lifestyle
Elle lance le premier jeu de société féministe en France
Publié le 28 mai 2019 à 17:35
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
Interpellée par le manque de réprésentation dans les jeux de société, l'entrepreneuse Inès Slim a décidé de lancer son propre jeu qui remet les femmes et les minorités de genre au centre du game.
Bad Bitches Only Bad Bitches Only
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Le sexisme se niche partout, jusqu'au coeur des jeux de société. C'est en partant de ce constat qu'Inès Slim, 25 ans, a décidé de créer son propre jeu féministe. Cette ancienne étudiante en école de commerce et histoire de l'art s'est lancée cette année en fondant son entreprise, Gender Games ("Jeux de genre"), avec pour objectif de mettre les femmes et les minorités de genre à l'honneur dans le monde du jeu.

Son premier projet soutenu par une campagne de crowdfunding Ulule : Bad Bitches Only, un jeu de charade intelligent, qui permet de s'amuser tout en faisant la connaissance d'une ribambelle de femmes et des personnes transgenres et/ou non-binaires passées à la trappe de l'Histoire. Ainsi, parmi les 250 cartes du jeu, on croise Beyoncé, Madonna ou Cléopâtre, mais aussi Rosalind Franklin qui a contribué à découvrir l'ADN mais a été zappée des livres au profit de ses collègues masculins Watson et Crick. Inès Slim revient sur son entreprise inspirante.

 

Terrafemina : Quel a été le déclic pour créer cette entreprise ?

Inès Slim : Je milite dans le milieu féministe depuis quelques années. Je suis aussi passionnée de jeux de société depuis que je suis toute petite. Et j'ai eu envie de lier les deux parce que je me suis rendue compte que je n'arrivais pas à proposer des jeux féministes à mes ami·es. L'été dernier, j'ai créé ce jeu avec mes petites mains et je l'ai fait tester à mes potes. Et tout le monde l'a trouvé génial. Donc je me suis dit qu'il fallait le lancer pour de vrai. Il y a tout un public qui partage ces mêmes envies et ces mêmes attentes.

Selon vous, comment les jeux de société sont-ils soumis au sexisme ?

I.S. : Les jeux de société sont aujourd'hui principalement créés par des hommes et des personnes qui sont influencées par le patriarcat. Le manque de représentation des femmes et de toutes les minorités de genre existe dans toute la société que ce soit à la télé, dans les médias, dans les livres. Elles ne représentent que 29% des personnes à la TV en heures de forte audience, 14% des Unes de journaux...

Au-delà du manque de représentation, il y a aussi des jeux qui représentent les femmes de manière hyper sexualisée. Je voulais remédier à ça. Je voulais rappeler toutes ces femmes et des minorités de genre qui ont marqué l'Histoire, qu'on connaît toutes et tous mais qu'on a oubliées. Et c'est l'occasion de mettre en avant celles qui ont été invisibilisées et de leur redonner la place qu'elles méritent.

A quels jeux sexistes pensez-vous particulièrement ?

I.S. : Il existe la page Paie ton jeu sur Facebook qui recense plein d'exemples, que ce soit dans le graphisme des jeux ou où tout simplement tous les personnages principaux sont des personnages masculins. Les jeux de stratégie notamment. Il y a par exemple le jeu Cléopâtre où celle-ci n'apparaît même pas sur la couverture !

Cartes du jeu Bad Bitches only © Gender Games
Expliquez-nous votre jeu Bad Bitches Only.

I.S. : C'est un jeu tout simple de charade. 250 cartes avec des noms de femmes et de minorités de genre qui ont marqué l'Histoire. L'idée, c'est de les faire deviner dans un temps limité. Et pour rendre les choses un peu plus intéressantes, il y a des règles différentes : on les fait deviner en un mot, en mimant, en dessinant... Et il y a une petite règle féministe que je me devais d'ajouter : il est interdit de tenter de faire deviner avec des "C'est la femme de" ou "la fille de". Au final, tout le monde s'amuse et on apprend.

Le jeu n'est-il pas trop compliqué sachant que ces femmes ont été invisibilisées ?

I.S. : J'ai quand même fait en sorte que le jeu soit amusant. Il y a quand même une très grande majorité de cartes qui sont très connues. De Madonna à Cléopâtre... Après, il y a celles qui sont plutôt connues selon les domaines. Si vous connaissez la danse, vous allez connaître Martha Graham. Si vous êtes branché·e cinéma, Alice Guy, ça va vous parler.

Il y a aussi les scientifiques, il y en a tant qui se sont fait voler leurs idées par leurs collègues masculins et qui ont raté leur prix Nobel à cause de ça. Celles-là, je me doute que les personnes ne vont pas les connaître la première fois qu'elles jouent au jeu. Mais c'est aussi le plus du jeu : un petit livret, le "Bad Dico", qui reprend toutes les biographies. Donc l'intérêt, c'est aussi qu'après une partie, on puisse ouvrir ce petit livre, regarder les noms des personnes qu'on ne connaissait pas.

Jeu Bad Bitches Only © Gender Games
Quelles sont les extensions qui sont prévues pour ce jeu ?

I.S. : L'idée était de développer le jeu avec des extensions thématiques selon les centres d'intérêt et les connaissances des gens. La première extension, "Feminist Warriors", reprend les noms des militantes féministes pour parler à un public de personnes assez engagées, mais aussi pour faire découvrir ces personnes qui ont fait avancer la cause jusqu'à aujourd'hui, comme Rokhaya Diallo par exemple.

Il y a aussi une jolie collection capsule...

I.S. : J'ai voulu travailler avec des artistes féministes pour mettre en valeur la création féministe qui est très riche. Du coup, j'ai voulu lancer une collection capsule avec différents produits de type tote-bags, carnets et affiches qui sont à l'effigie de plusieurs personnalités du jeu. Pour le lancement, j'ai collaboré avec Anna Wanda Gogusey qui a fait les portraits de l'autrice Virginia Woolf, la reine berbère Dihya ou encore la militante transgenre Marsha P. Johnson. On aimerait multiplier ces collections au fur et à mesure.

Quels sont les objectifs de la campagne de financement ?

I.S. : L'objectif, c'est de récolter 10 000 euros d'ici le 31 mai pour pouvoir constituer le premier stock. Et l'idée sera d'être distribué à la fois en ligne mais aussi partout en France et même à l'étranger dans des magasins physiques. Puis sortir les collections capsules et les extensions. Et si tout marche bien, peut-être même d'autres jeux.

Marsha P Johnson © Anna Wanda Gogusey

Pour participer à la campagne de crowdfunding de Bad Bitches Only, c'est par ici et c'est jusqu'au 31 mai 2019.

Mots clés
Lifestyle Société feminisme La bonne idée News essentielles jeux créer une entreprise
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