Une femme a ses règles pendant 40 ans en moyenne, soit 2250 jours dans sa vie. Pour un phénomène aussi ordinaire, on aurait pu naïvement penser qu'il ne poserait pas de problème quand on l'aborde.
C'était sans compter sur la fâcheuse tendance de notre chère société patriarcale à fourrer tout ce qui touche aux femmes, à leur corps et à leur sexualité dans le grand bac à tabous. Sauf lorsqu'il s'agit d'abuser de la taxe rose, ou d'exhiber une paire de fesses sans tête en 4x3 en plein Paris, ça va de soi.
On se souvient notamment de la photo de Rupi Kaur, enlevée des réseaux sociaux alors qu'elle ne représentait seulement une femme endormie, habillée, avec une tache de sang au niveau de l'entrejambe. Cette suppression ne pouvait pas mieux représenter le non-dit pesant autour des règles, et a eu l'avantage d'éveiller les consciences.
Depuis quelque temps, de plus en plus d'artistes ont pris le sujet à bras le corps en décidant que les menstruations devraient être célébrées et évoquées, plutôt que tues et cachées à tout prix.
L'art menstruel, c'est le courant qui transforme ces cinq jours par mois en illustrations, dessins, projets photographiques et installations en tout genre.
On a repéré 5 comptes Instagram qui exposent leurs oeuvres, des plus poétiques aux plus crues.
Pink Bits, ce sont des femmes crayonnées avec bienveillance et couleurs pastel. Une sorte de monde tout doux où les standards de beauté sont balancés par la fenêtre (l'Australienne derrière le compte explique croquer les "parties de nous que l'on nous demande de camoufler") et les règles dessinées dans toute leur splendeur. Surtout lorsque splendeur signifie rester clouée au lit pour cause de mal de ventre déchirant et envie subite de chocolat.
Dans sa série "Red Flow", l'artiste chinoise Manhei Chan transforme les serviettes hygiéniques en toile sur lesquelles elle peint des fleurs, des visages de femmes ou des poissons à l'encre rouge. Un travail minutieux qui magnifie les menstruations, et les représente surtout telles qu'elles sont : rouges comme le sang, et non bleues comme les pubs télé.
"Rébellion contre le tabou", indique la bio du feed tenu par l'Université des arts de Berlin. Dans cette série, pas d'encre, ni de croquis, mais des photos de sang menstruel qui se confrontent directement à l'objectif pour créer des formes quasi-psychédéliques - et surtout montrer cette réalité qu'on ne voit jamais. Les impressions se vendent aussi en taie de coussins.
Avec le collectif The Pink Protest, on parle masturbation (#GirlsWankToo : Les filles se branlent aussi), révolution et menstruation. Au-delà d'illustrations drôles et toujours pertinentes, le projet est aussi incarné par ses autrices, qui organisent des événements fédérateurs autours des questions féministes et invitent chacune à se battre pour ses droits en toute sororité. Notre slogan préféré : "On Wednesdays we wear pink & protest".
L'avantage avec We Are Happy Period, c'est qu'on peut porter l'art de Chelsea VonChaz, la fondatrice du projet. Des pin's de fesses en culotte de toutes les couleurs avec une tache de sang, et surtout le t-shirt simple mais efficace qui affice "Hello, I'm Menstruating" pour que le monde entier puisse être au courant de notre état actuel - et tenter de décoincer les esprits.