On dit qu'en matière d'écologie, les femmes ont une longueur d'avance sur les hommes. La COP23 qui s'est achevée sur la signature d'un accord de parité hommes-femmes en novembre dernier a d'ailleurs rappelé que les femmes sont les premières impactées par le réchauffement climatique dans les pays sous-développés. "Il y a souvent une expérience particulière des femmes dans la pratique de ces liens avec la nature. En Afrique, les femmes n'ont pas le droit à la terre, même si elles sont responsables à 90 % des ressources, ce qui leur donne parfois une conscience particulière", explique la journaliste Pascale d'Erm dans son ouvrage Soeurs en écologie.
Si les femmes sont les premières à pâtir des conséquences néfastes du changement climatique, rien d'étonnant à ce qu'elles se sentent davantage concernées par la survie de notre planète. Mais d'après une nouvelle étude américaine publiée dans la revue Scientific American, ce constat ne serait pas l'unique raison de l'implication des femmes au service de la cause écologique. Réalisée sur 2 000 Américains et Chinois volontaires, l'étude souligne le lien de cause à effet entre une attitude écoresponsable et l'image stéréotypée que certaines personnes qualifient de "comportement féminin". En d'autres termes, certains hommes renonceraient à adopter un mode de vie écolo afin de préserver leur virilité.
Pour parvenir à cette conclusion, les auteurs de l'étude ont orchestré plusieurs mises en scène basées sur des stéréotypes de genre, puis ont sondé l'avis des participants sur ce que ces situations leur inspiraient. Dans le premier scénario, un homme et une femme se rendaient dans une épicerie avec un tote bag pour faire leurs courses. En entendant cette histoire, les participants (les hommes comme les femmes) ont jugé que le fait de venir avec un sac en tissu dénotait un tempérament plutôt féminin. Dans un autre scénario, des hommes ont été invités à acheter un ampli, un sac à dos et des piles avec une carte cadeau de couleur rose. Ces derniers, qui avaient la possibilité d'opter pour des produits respectueux de l'environnement, se sont instinctivement dirigés vers des articles non-recyclables. Une manière de prouver leur virilité légèrement menacée par la carte rose ? C'est en tout cas ce qu'en déduisent les chercheurs.
Comme le rappelle l'auteur principal de l'étude Aaron R. Brough, professeur de marketing à la Jon M. Huntsman School of Business (Utah, États-Unis), les hommes se montrent plus soucieux de leur image dès lors que la question du genre entre en jeu. Une étude antérieure a par exemple suggéré que les hommes éprouvaient davantage de difficultés à choisir les produits du quotidien (alimentation, cosmétiques etc) quand les articles commercialisés font la distinction féminin/masculin. "Un geste aussi anodin que tenir un sac, commander une cocktail à la couleur flashy ou encore s'exprimer d'une voix aiguë peut conduire à des stigmatisations, les hommes ont tendance à se méfier pour éviter de tomber dans ce ce qu'ils considèrent comme des pièges", analyse le Pr R. Brough.
Bouder l'écologie et la survie de notre planète (et donc celle de l'espèce humaine) de peur de paraître efféminé aux yeux des autres peut sembler ridicule, voire totalement absurde. Mais les messages marketing véhiculés à travers les produits commercialisés peuvent également susciter l'effet inverse. Une expérience menée dans le cadre de l'étude du Pr R. Brough a par exemple démontré que les hommes se révélaient plus intéressés par l'achat d'une version écologique d'un produit de nettoyage, quand l'argument marketing flattait sa virilité à coup de messages publicitaires directement adressés aux hommes. Dans ce cas précis, les hommes se sentaient en sécurité vis-à-vis de leur masculinité et se montraient plus à l'aise à l'idée de "se mettre au vert".
Ces derniers se sont également montrés sensibles aux stratégies marketing visuelles. Un logo aux couleurs foncés représentant un loup a par exemple davantage attiré leur attention qu'un logo de couleur claire au design discret. "Ces résultats montrent comment le stéréotype 'écolo-féminin' peut parfois dissuader les hommes d'adopter une attitude respectueuse de l'environnement, mais suggèrent également que l'affirmation masculine et l'image véhiculée par les marques peuvent se révéler efficaces pour réduire l'écart entre les sexes dans le domaine des problématiques environnementales. Faites en sorte que l'homme se sente viril, et celui-ci aura plus de chances de se mettre au vert", conclut le Pr R. Brough.