Au Pakistan, marier sa fille mineure restera autorisé. Les députés du pays ont refusé la semaine dernière d'adopter un texte de loi qui proposait de faire passer l'âge minimum de mariage de 16 à 18 ans. Proposé par la députée du parti PML-N actuellement au pouvoir Marvi Memon, le texte a été déposé auprès de la chambre basse du Parlement pakistanais pour endiguer le phénomène des mariages précoces qui touche notamment les régions les plus rurales du pays. Le texte prévoyait la mise notamment la mise en application de peines "sévères" allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement pour les parents mariant leurs enfants avant leur majorité. Mais Marvi Memon a dû retirer son projet de loi après que le comité parlementaire en charge des affaires religieuses l'eut rejeté.
À l'origine de ce rejet, l'influence du Conseil d'idéologie islamique. Lors d'une réunion du comité parlementaire, cette institution chargée de conseiller le Parlement sur la compatibilité des lois avec la charia a jugé le texte porté par Marvi Memon contre le mariage des enfants "blasphématoire" et "anti-islamique". Selon une source proche parlementaire citée par l'AFP, Marvi Memon "souhaitait remplacer le mot 'simple' punition pour ceux qui sont impliqués dans le mariage d'enfants par peine 'sévère' ou 'de deux ans'". Elle souhaitait aussi "que l'âge minimum de mariage soit augmenté pour les filles de 16 ans à 18 ans", ajoute la source qui souhaite rester anonyme.
Depuis 1929, l'âge minimal de mariage est fixé à 16 ans pour les femmes et à 18 ans pour les hommes, mais de nombreux théologiens pakistanais affirment que ces mariages déjà précoces ne sont pas en accord avec la loi islamique. Ils soutiennent en effet que la charia ne précise pas d'âge limite pour se marier et que les individus peuvent se marier dès qu'ils ont atteint la puberté. Selon le Washington Post, certains mariages célébrés selon la charia ont ainsi été conclus avec des fillettes de 9 ans.
La décision des parlementaires pakistanais a suscité l'indignation des militants pour les droits des Humains et des droits des femmes. "Il est dommageable que le comité ait tranché sous la pression de la décision injuste du Conseil" d'idéologie islamique a déclaré à l'AF le militant I.A. Rehman, avant de qualifier cette décision "absurde" de recul des droits Humains au Pakistan.
L'ONG Girls Not Brides qui milite contre les mariages précoces et forcés estime que 21% des filles au Pakistan sont mariées avant leur 18e anniversaire. Lié à la prégnance de la tradition dans les régions les plus reculées et rurales du Pakistan, le mariage des enfants implique généralement des transferts d'argent (la dot), le règlement de dettes d'honneur (Swara) ou le mariage simultané de frères et soeurs d'une même famille (Watta Satta). Ils sont sanctionnés par le Jirgaou Panchayat, le conseil des anciens de la communauté.