Le texte s'intitule L'Épine de rose (Der Rosendorn) et a été découvert en Autriche, dans la bibliothèque de l'abbaye baroque de Melk, au sein de la vallée de la Wachau. Sur ce parchemin vieux de plusieurs siècles (les historien·nes le datent autour de l'an 1300), qui avait été jusque là recyclé pour relier un texte théologique en latin, on peut découvrir un dialogue subtil et plein d'humour qui nous en dit long sur la façon dont on abordait la sexualité en plein Moyen-Âge.
Dans le poème, une jeune fille vierge (junkfrouwe) s'entretient vivement avec sa vulve parlante (fud). La cause de leur dispute ? Savoir laquelle des deux est tenue en plus haute estime par les hommes, et attise davantage leur désir. La femme affirme que c'est par sa beauté et son allure qu'ils sont séduits, tandis que la vulve, accusant la vierge de trop mettre l'accent sur son apparence, assure que c'est elle qui procure le vrai plaisir. Les deux décident de se séparer, mais se retrouvent profondément malheureuses et se réunissent pour soulager leur souffrance. Tout ça pour conclure qu'elles se portent en réalité beaucoup mieux ensemble.
Christine Glaßner, de l'Institut de recherche médiévale de l'Académie des sciences d'Autriche (ÖAW), qui a découvert le fragment, a déclaré que si le texte semblait à première vue absurde, "son essence une histoire incroyablement intelligente, du fait même qu'elle démontre qu'on ne peut séparer une personne de son sexe", rapporte The Guardian.
Une discussion qui n'est pas sans rappeler la pièce à succès des Monologues du vagin. Jouée pour la première fois il y a vingt ans dans un petit théâtre de Broadway, à New York, elle explorait les rapports sexuels consensuels et non consensuels, l'image corporelle, les mutilations génitales, la reproduction et tous les aspects de la vie sexuelle à travers les yeux des femmes. L'oeuvre a brisé des tabous, suscité des conversations franches et célébré l'anatomie et la féminité de la femme d'une manière jamais vue auparavant.
Sauf qu'après la lecture de ces 60 lignes issues de L'Épine de rose, on se dit que la conversation a des chances d'avoir déjà été abordée - et ce de manière plutôt franche - il y a bien longtemps. De quoi réviser une opinion courante dans l'imaginaire collectif, selon laquelle les femmes du Moyen-Âge étaient soumises et passaient leur temps à attendre que leur chevalier servant s'en revienne de bataille. En réalité, elles avaient l'air assez au fait de leur propre plaisir et enclines à explorer le sexe au-delà de sa fonction reproductrice. Il ne reste plus qu'à découvrir qui se cache derrière cet écrit, et à l'élire nouvelle (ou nouveau) rôle-modèle historique.