Deux ans et demi. C'est le temps qu'il aura fallu aux parlementaires pour adopter la loi sur la lutte contre la prostitution. Mercredi 6 avril, les députés ont finalement entériné la proposition de loi PS à 64 voix contre 12 et ses deux mesures controversées : la pénalisation des clients et la suppression du délit de racolage passif.
Et le chemin a été long. Promesse de campagne de François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012, le texte a été présenté pour la première fois à l'Assemblée nationale en décembre 2013. Mais le Sénat, où siège une majorité d'élus de droite, refusait d'adopter la principale mesure du texte, celle concernant la pénalisation des clients de prostitué(e)s. Faute d'accord entre les deux chambres, c'est l'Assemblée nationale qui a eu le dernier mot à l'issue du quatrième passage du texte dans l'hémicycle. De quoi s'agit-il exactement ? Que va-t-il changer pour les travailleurs du sexe ou pour leurs clients ?
La pénalisation des clients de prostituté(e)s
Désormais, "l'achat d'acte sexuel" par des clients sera sanctionné par une amende de 1 500 euros maximum. En cas de récidive, une personne achetant des services sexuels pourra payer une amende de 3 750 euros, avec inscription au casier judiciaire.
Le recours à la prostitution de personnes mineures ou particulièrement vulnérables est passible d'une peine d'emprisonnement de trois ans et de 45 000 euros d'amende et jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsqu'il s'agit d'un mineur de quinze ans ou moins.
Un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution sera aussi créé pour permettre aux clients de comprendre "l'envers du décor de la prostitution".
La pénalisation des clients est le principal point de friction entre députés et sénateurs. Inspirée de la Suède, de la Norvège et de l'Islande, elle vise, selon ses partisans, à renforcer les droits des personnes prostituées et à dissuader la demande.
Pour les associations de terrain en revanche, cette mesure risque surtout de précariser encore un peu plus les personnes prostituées en leur faisant perdre des clients. Du côté des syndicats de policiers, on craint également qu'elle s'avère totalement inefficace dans la lutte contre les réseaux de proxénétisme.
Institué en 2003, le délit de racolage passif sanctionnait les personnes se prostituant d'une amende de 3 750 euros et de deux mois d'emprisonnement. Désormais, ces dernières seront considérées "comme des victimes et non plus comme des délinquantes", affirment les auteurs de la proposition. Les associations saluent dans leur majorité la disparition d'une mesure qui a "largement dégradé les conditions de santé et d'exercice des personnes qui se prostituent".
La loi prévoit aussi la création d'un système de protection et d'assistance destiné aux personnes qui se prostituent. Cela se traduit par la mise en place d'un parcours de sortie de la prostitution. Il sera financé par l'État à hauteur de 4,8 millions d'euros par an. Un montant jugé insuffisant par les associations pour venir en aide à toutes les personnes se prostituant.
Les personnes se prostituant et étant de nationalité étrangère pourront se voir remettre des titres de séjour d'au moins six mois. À une condition : qu'elles soient engagées "dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle". Ce qui fait dire au Strass, syndicat des travailleurs sexuels, qu'il s'agit d'un "chantage".
Aujourd'hui, selon l'association Cimade, qui défend les droits des étrangers sur le sol français, "près de 90% des personnes prostituées sont de nationalité étrangère, et parmi elles, une majorité est dépourvue de titre de séjour".
Le texte prévoit enfin la création dans les conseils départementaux d'une nouvelle instance chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la protsitution.