Spécialisée dans le traumatisme, Ingeborg Kraus milite activement pour abolir la prostitution. Cette thérapeute qui a étudié de près les victimes de viol pendant la guerre de Bosnie en est arrivée à la conclusion que le fait de vendre son corps entraînait en effet les mêmes séquelles psychologiques. Comme les soldats ou les victimes de guerre, les prostituées ressentent en effet un choc post-traumatique, a noté Ingeborg Kraus à force de prendre en charge des anciennes prostituées.
Lasse de tenter d'aider ses patientes à se remettre d'année passées à monnayer leur corps sans que rien ne soit fait en amont, elle a lancé en 2014 un appel dans le milieu thérapeutique pour abolir la prostitution. Ces derniers jours, elle s'est rendue à Montréal en compagnie d'une ex-prostituée, Rachel Mora,n afin d'y donner une conférence sur le sujet.
"La prostitution est seulement possible dans un état dissociatif, où les phénomènes naturels de dégoût, de mépris ou de peur sont déconnectés. Ce vécu est tout de même enregistré dans un autre endroit du cerveau, une sorte de boîte noire qu'on appelle la mémoire traumatique", a-t-elle expliqué au journal Le Devoir. Ce n'est qu'après avoir pris leur retraite que les prostituées, comme des soldats de retour du champ de bataille, ressentent les séquelles psychologiques d'années passées à vendre leur corps ; des bouffées d'angoisse et des images traumatisantes peuvent ainsi être déclenchés par une simple sensation qui vient raviver un souvenir.
Tandis qu'à l'instar d'Ingeborg Kraus, des experts médicaux font entendre leur voix, d'anciennes prostituées tentent également de se regrouper afin de témoigner au sujet de leur expérience. Rachel Moran, l'ex-prostituée qui accompagnait la psychothérapeute allemande à Montréal, a ainsi décidé d'inciter d'autres femmes à prendre la parole publiquement pour être représentées dans les débats en fondant SPACE, regroupement international de "survivantes". Le but ? Mettre l'accent sur la violence vécue par les prostituées, et dont celles-ci mettent des années à se remettre.
"Nous en sommes arrivés à cette croyance ridicule que, puisque la violation sexuelle est 'compensée', c'est correct. Nous sommes incapables de la voir pour ce qu'elle est, et l'argent ne légitime pourtant pas les autres formes de violence", déclare-t-elle au Devoir.