Pendant la Renaissance italienne, nombreuses déjà étaient les prostituées qui étaient célèbres, tout comme les Geishas dans l'ancien Japon. Mais au XVIIIe siècle, les choses ont pris une autre tournure : un emballement médiatique et social a provoqué une véritable révolution. Alors qu'il était exigé des femmes dites "respectables" d'être totalement passives sexuellement et désintéressées, à l'inverse, les prostituées les plus immorales étaient portées aux nues, telles de vraies stars.
Tous leurs faits et gestes étaient consignés dans la presse et les magazines, leurs personnalités étaient décrites dans des poèmes et des pamphlets, les peintres faisaient leurs portraits, on les adulait. L'exaltation était telle qu'il a fallu inventer un mot pour décrire ces représentations sous toutes leurs différentes formes (écrits, dessins, peintures, spectacles, chansons ...). C'est ainsi qu'est né le mot de "pornographie" dont la définition précisait qu'il s'agissait d'oeuvres "à caractère obscène, sans préoccupation artistique, avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées."
Il était à la mode de palabrer, de mettre en valeur et d'admirer la richesse et le pouvoir qu'elles avaient pu accumuler et de leur donner des noms évoquant les parfums sulfureux de la Grèce Antique : de "putains", elles passaient à "Cythéréennes", "Thaïs", "Laïs", "Phryné" (célèbre hétaïre).
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Alors qu'au XVIIe siècle, la célébrité sexuelle, les vices les plus bas, se propageaient tout juste de bouche à oreille, ou par des écrits non publiés, quelques décennies plus tard, on en faisait des romans. Les biographies sulfureuses de Sarah Prydden, Sally Salisbury, Elisabeth Wisebourn et d'autres encore se lisaient de Londres jusqu'à Berlin, et les tirages se succédaient avec un succès constant. Les portraits des courtisanes s'exposaient dans les salons. Le mouvement avait commencé avec des images de la maîtresse de Charles II en Angleterre, puis les portraits ont déferlé, disponibles également à bas coûts, pour le peuple, sous forme de reproductions.
Dans la seconde partie du siècle, Londres proposait des gravures de prostituées adulées pour quelques pennies à peine. Un commentateur de l'époque faisait remarquer que les courtisanes les plus admirées étaient devenues si connues et si parfaitement bien décrites et peintes sous toutes leurs formes qu'il n'était plus jamais nécessaire de les présenter. On pouvait aussi les avoir avec soi, sous forme de médaillons ou miniatures, les badges ou pins de l'époque. Dans un geste précurseur si l'on pense à Serge Gainsbourg faisant brûler un billet de 500 francs sur un plateau télé, la prostituée anglaise Fanny Murray avait mis un billet de 20 livres entre deux tranches de pain (le sandwich n'existait pourtant pas!) et l'avait mangé, pour montrer à quel point cette somme importante pour l'époque n'était rien pour elle. Elles brillaient tant qu'elles influençaient même la mode des bourgeoises qui pensaient s'encanailler à imiter leur style. Les bourgeoises voulaient imiter leur style, les hommes de toutes les classes sociales se couchaient en fantasmant sur les péripatéticiennes, et le merchandising régnait déjà partout en maître.
Deux siècles plus tard, notre époque fait presque figure d'austère et pudibonde, tant les moeurs dites dissolues sont décriées, pourchassées, ou cachées dans les bas-fonds de l'Internet...