Après plusieurs jours de débat sur le nouveau projet de loi socialiste sur la prostitution, les députés ont finalement adopté, vendredi dernier, le texte concernant la pénalisation des clients. Cette disposition, la plus controversée de la proposition de loi, prévoit de sanctionner l'achat d'actes sexuels d'une contravention de 1 500 euros. En cas de récidive et dans « un souci de pédagogie et de dissuasion, graduelle et progressive », l'infraction deviendra un délit puni d'une amende de 3 750 euros. Le projet de loi porté par les députés Catherine Coutelle et Maud Olivier prévoit par ailleurs un « stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels » en guise de sanction complémentaire ou d'alternative à l'amende. Après le vote, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem, qui avait affirmé dès juin 2012 sa volonté « de voir la prostitution disparaître » s'est félicitée de la décision des députés, saluant dans un communiqué, un « débat qui fait honneur à notre démocratie » et « le travail des parlementaires de tous bords ».
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Mais dans sa lutte contre le commerce du sexe, la France s'inspire très largement de la Suède. Depuis bientôt 15 ans, ce pays interdit la prostitution et l'achat de services sexuels à travers la pénalisation des consommateurs. Ces derniers sont en effet punis d'une amende ou d'une peine de prison tandis que les prostituées, qui ont acquis le statut de victimes, ne risquent rien. Et en adoptant dès 1998 la loi Kvinnofrid, entrée en vigueur l'année suivante, la Suède a fait figure de pionnier dans la criminalisation de « la demande ». Concrètement, depuis cette date, le client pris en flagrant délit une première fois doit s'acquitter d'une amende de 250 euros minimum, calculée selon ses revenus. Mais la note peut-être beaucoup plus salée. « Certains ont payé jusqu'à 7 000 euros », a d'ailleurs révélé Jonas Henriksson, commissaire au sein de la brigade anti-prostitution de Stockholm à L'Express. Et d'ajouter : « Des peines d'emprisonnement avec sursis ont également été prononcées, notamment lorsque les clients avaient pris contact directement avec des trafiquants pour trouver des femmes ».
Une législation stricte et qui, à première vue, porte ses fruits. Selon un rapport du gouvernement suédois publié en 2010, la prostitution de rue a diminué de moitié entre 1999 et 2008. La part des hommes ayant recours à ce type de service serait passé de 13,8% à 7,8%, tandis que le nombre de prostituées, auparavant estimé à 2 500, se serait stabilisé à 1 250. À titre de comparaison, le Danemark et la Norvège qui avaient le même taux de prostitution en 1998 comptaient trois fois plus de prostituées qu'en Suède en 2008. Mais plus que l'éventualité de devoir payer une amende, il semble que ce soit davantage la peur des clients de se faire prendre en mauvaise posture et de voir leur réputation entachée qui soit à l'origine de cette diminution. Pour Jonas Henriksson, c'est aussi le fait que « les vendeurs et les trafiquants considèrent la Suède comme un marché à haut risque et à maigre profit ; raison pour laquelle il est nécessaire que la criminalisation de la demande s'étende à d'autres pays ». Et si le commissaire de la brigade anti-prostitution appelle aujourd'hui l'Europe à appliquer ce fameux modèle suédois, rares sont ceux qui auraient parié sur lui au départ. En 1996, comme en France actuellement, cette approche abolitionniste avait divisé le pays ; seul un tiers de la population se déclarait alors favorable à la pénalisation des clients. Douze ans plus tard, ils étaient environ 70% dans ce cas.
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Toutefois, ce bilan positif cache une autre réalité. Les détracteurs de cette législation parmi lesquels Rose alliance, l'organisation de défense des droits des travailleurs de sexe suédoise, opposent notamment à la diminution de la prostitution de rue vantée par le gouvernement, le repli des prostituées vers la clandestinité. En effet, une partie non-négligeable de l'activité prostitutionnelle aurait désormais lieu dans des appartements régulièrement changés où les clients seraient conduits jusqu'aux femmes par des intermédiaires. Et alors que selon le discours officiel suédois, « rien ne montre ni ne prouve que la prostitution a augmenté dans les bars et les hôtels, loin de la vue de tous », Kajsa Wahlberg, rapporteure nationale chargée de la lutte contre la traite des êtres humains, attire l'attention sur le développement considérable d'une autre forme de prostitution, alimentée par des sites de petites annonces hébergés à l'étranger. « Bien sûr, si nous avons si peu de prostitution de rue, c'est que l'essentiel est indoor », concédait-elle récemment dans les colonnes du Monde, sans pour autant pouvoir évaluer l'ampleur du phénomène faute de chiffres. La seule et unique faille du modèle suédois ?
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