Prostitution : « le client entretient un marché d'exploitation criminelle »
Publié le 6 décembre 2011 à 15:33
Par Marine Deffrennes
L'Assemblée votera cet après-midi une résolution pour l'abolition de la prostitution. Un premier pas vers un projet de loi pour pénaliser les clients et reconsidérer les marchandes de sexe comme des victimes. Rendre le « consommateur » responsable ne fait pourtant pas l'unanimité. Éclairage avec Yves Charpenel, président de la fondation Scelles et avocat général à la Cour de Cassation.
Prostitution : « le client entretient un marché d'exploitation criminelle » Prostitution : « le client entretient un marché d'exploitation criminelle »© Stockbyte
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Terrafemina : Une résolution doit être votée aujourd’hui à l’Assemblée nationale pour l’abolition de la prostitution. Quel sera l’impact de ce vote ?

Yves Charpenel : La résolution est une première étape avant la loi, une fenêtre de tir pour une législation sur la prostitution. Cette résolution a été signée à l’unanimité par tous les partis politiques présents à l’Assemblée, ce qui est une première historique. Il ne s’agit pas vraiment d’ « abolir » la prostitution, puisque c’est impossible dans les faits, mais, comme le préconisait le rapport Bousquet-Geoffroy rendu en avril, de tout mettre en œuvre pour abolir le système qui prostitue, en s’attaquant à cet immense marché criminel et en aidant les femmes à sortir de ces réseaux de plus en plus puissants et illégaux.

TF : La loi qui naîtra de cette résolution devrait proposer de pénaliser les clients de prostituées d’une amende voire d’une peine de prison. Cela peut-il réellement faire diminuer le trafic de femmes ?

Y. C. : La logique défendue par le rapport Bousquet-Geoffroy vise à s’attaquer au problème du trafic par le bon bout. On pénalise déjà ceux qui vendent, d’ailleurs la France est l’un des pays qui condamne le plus les trafiquants sexuels, environ 1 000 condamnations pour proxénétisme tombent chaque année, et on démantèle 25 à 30 réseaux internationaux par an. L’idée est de pénaliser aussi celui qui entretient ce trafic, sciemment ou non d’ailleurs, pour lui faire comprendre que quand on est client de prostituée, on accentue l’exploitation d’une personne vulnérable.

TF : La loi suédoise qui inspire ce projet a-t-elle fait ses preuves et peut-elle être appliquée en France ?

Y. C. : En Suède, l’opinion n’était pas pour à l’époque. Mais la loi a été accompagnée d’une grande campagne de prévention pour décourager les clients de la prostitution. Finalement leur nombre a été divisé par deux.

TF : Les révélations dans l’affaire du Carlton de Lille ont-elles contribué à relancer le débat sur la prostitution ?

Y. C. : Je pense que personne n’est resté indifférent face à ces informations. On a découvert un système caché où sont impliqués des hommes politiques, et il est évident que « Dodo la Saumure » -mis en examen au mois d’octobre pour proxénétisme aggravé- utilise des filles des réseaux d’exploitation de femmes, car pour satisfaire sa clientèle, un proxénète doit renouveler sa « marchandise ». Dans cette enquête, on a intercepté beaucoup de mails du type « j’ai besoin de 50 valises », comprenez « 50 filles »… Le procès dans lequel la fondation Scelles sera partie civile permettra de montrer d’où venaient ces filles. Bien souvent les pays d’origine sont des pays très pauvres comme la Bulgarie, la Roumanie, des régions d’Afrique centrale ou des provinces déshéritées de Chine où l’âge de départ moyen des filles est de 14 ans.


Yves Charpenel / Crédit photo : Ministère de la Justice et des Libertés/Caroline Montagné


Crédit photo : Stockbyte

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Société loi france
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