J.-S. Mallet : Il s’agit au départ de l'initiative de Florence Montreynaud, afin de donner la parole à l'immense majorité — jusque là silencieuse — des hommes qui ne fréquentent pas de prostitué(e)s. Il est composé d'hommes de tous âges, en provenance de 17 pays (pour le moment), qui ont pour point commun de refuser les clichés et les idées reçues sur la prostitution, qu'ils considèrent comme l'une des manifestations de la domination masculine. Ils pensent qu'un corps n'est pas achetable, et que la réalité de la prostitution (proxénétisme, violences, trafics d'êtres humains) n'est pas tolérable par une démocratie moderne. En conséquence, le réseau ZéroMacho soutient la proposition de loi visant à responsabiliser, par une amende, ceux qui font usage de la prostitution.
J.-S. M. : Indirectement, ces affaires mettent en lumière des questions cruciales, comme la place du désir et de la sexualité dans l'humanité, l’addiction, le besoin de limites quand le pouvoir et l'argent permettent de tout acheter. Ce que nous devons condamner ce sont les actes, et non les personnes, le proxénétisme est puni par la loi, le recours à une prostituée pas encore.
J.-S. M. : Le principe du droit de disposer de son corps, reste valable. La question est « a-t-on le droit de disposer du corps d'un autre ? », et là nous disons clairement non.
Il faut revenir sur la non-patrimonialité du corps humain qui s'applique à ce sujet comme à d'autres. On ne tue pas, on ne viole pas, on ne torture pas, on n'établit pas de propriété sur le corps d'autrui, en toutes circonstances et indépendamment des choix des uns et des autres. C'est ainsi que depuis deux siècles se construisent les droits humains, droits à vocation universelle.
Il faut réfléchir sur ce qu'est le corps : beaucoup plus qu'un corps physique. Les anciennes personnes prostituées, les médecins, les philosophes, nous aident à mieux appréhender le champ de cette notion : corps psychique, corps symbolique, corps social, corps intime, corps désiré, corps mémoire, corps inconscient, corps regardé par l'autre, corps regardé par soi, estime ou honte. Il en ressort que le corps est indissociable de la personne. Ainsi on comprend mieux le sens de l'affirmation « je suis mon corps ».
J.-S. M. : Dans la prostitution, la relation n'est pas égale. C'est une relation de domination par l'argent. Si le client ne payait pas, la personne prostituée n'aurait pas de relation sexuelle avec cet inconnu qu'elle ne désire pas et qu'elle n'aime pas. Si elle le désirait physiquement ou si elle l'aimait, il n'y aurait pas d'argent pour leur relation sexuelle. Si elles n'avaient pas besoin d'argent, une très grande majorité des personnes prostituées ne le feraient pas. Le machisme consiste à croire que les femmes seraient inférieures aux hommes et qu'elles doivent être cantonnées aux tâches subalternes. ZéroMacho réuni des hommes qui considèrent que les femmes sont avant tout des individus aux talents et aux droits égaux aux hommes. Premier constat, 90% des clients de prostituées sont des hommes. Le « marché » de la prostitution, y compris la majeure partie de la prostitution masculine, s'adresse avant tout à des hommes. Deuxièmement, il est étonnant de voir que plus les pays ont une culture inégalitaire entre les hommes et les femmes plus la prostitution et les violences sexuelles sont développés. Au contraire, plus les pays s'attachent à donner des droits sociaux égaux à tout individu, plus les violences sexuelles et la prostitution sont réduits.
J.-S. M. : Le développement du tourisme sexuel avec des garçons mineurs ou jeunes adultes, pose les mêmes questions sur la prostitution. Plusieurs films ont été faits à ce sujet. (« Vers le Sud », « Cliente », « Sleeping beauty ») Une fois les fantasmes mis de côté, l'autre est nié en tant que personne, et traité comme objet. Maigre revanche pour certaines, en tout cas relation inhumaine inversée, sans grand avenir sauf finir par retrouver sa solitude existentielle.
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