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Faut-il abolir la prostitution ?
Publié le 29 novembre 2011 à 11:35
Par Sophie Bramly
Ces jours-ci, l'Assemblée Nationale se penche sur la question de la prostitution et un texte sera soumis au vote le 6 décembre prochain. Sans surprise, les abolitionnistes veulent que cesse le commerce du sexe, en pénalisant le client. Sans surprise non plus, d'autres s'insurgent, comme la philosophe Élisabeth Badinter, au nom de la liberté difficilement acquise des femmes à faire ce qu'elles veulent de leur corps. Le point de vue de notre experte Sophie Bramly.
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Le combat semble être mené largement par les femmes, débattant d'une prostitution qui serait essentiellement féminine. Je m'autorise ici à une digression de taille.
Le Journal of Sexual Medecine a publié ces jours derniers une étude brésilienne, sur les pratiques zoophiles des hommes. Si la publication de ce texte était à des fins médicales (il y aurait plus de cancers du pénis chez ceux qui ont eu des rapports avec des animaux, à cause d'échanges de bactéries « contre nature »), les chiffres méritent d'être étudiés aux fins qui nous intéressent ici : 35% des hommes entre 18 et 80 ans ayant répondu à l'enquête, tous issus de régions rurales, avouaient avoir eu des pratiques plus ou moins régulières – une fois par semaine en moyenne - avec des bêtes, dès l'âge de 14 ans. Ensuite, vers 18 ans, lorsqu'ils peuvent trouver hommes et/ou femmes consentants, les pratiques cessent ou diminuent.

Ceci tendrait à prouver que si nos pulsions sont réfrénées (et j'inclus ici les femmes), on trouve toujours d'autres solutions. Si la prostitution existe depuis la nuit des temps (l'historien Jean Bottéro la date de la civilisation babylonienne, hommes et femmes prostitués auraient été sacrés, comme chez les Indiens et les Étrusques), c'est bien avant tout parce qu'elle vient combler un manque ou calmer une peur, lesquels sont des sentiments assez puissants pour nécessiter de transgresser la loi.

Il est intéressant de noter que dans des pays comme la Russie, l'Espagne, la Suisse, les Etats-Unis, l’ouverture de bordels pour femmes est régulièrement annoncée et que les Russes déclarent ce business profitable. Le gigolo, accessible dans la plupart des pays émergents (où les femmes se trouvent plus facilement à des postes élevés, avec des salaires qui leur permettent une autonomie absolue) semble y être aussi nécessaire et bienvenu chez les femmes, que la prostituée chez les hommes. Et pour cause : il permet de lutter contre la solitude, ou de satisfaire un besoin sans y mélanger l'affect, la pulsion libidinale se retrouvant de la même façon chez les hommes et les femmes indépendants financièrement, sans différence de genres. Si l'homme à louer est peu disponible pour la gente féminine française, il l'est au moins pour les homosexuels. L’expansion des transgenres, travestis, transsexuels rajoute au trouble : ce n'est décidément pas qu'une affaire de femmes.

Si les arguments avancés pour la liberté du commerce du corps s’avéraient ne pas suffire (l'ouvrier ne soumet-il pas son corps à l'industrie qui l'emploie ? La prostituée ne protège-t-elle pas son désir en s'interdisant de jouir ou d'embrasser un client ? Les différents efforts qui ont été mis en place depuis la fermeture des maisons closes n’ont-ils rien fait d'autre que de rendre de plus en plus précaire la situation des prostitué(e)s obligés d'exercer dans des lieux publics dangereux ? Etc.), et si l'obscurantisme actuel et la morale bien pensante gagnent encore du terrain en parvenant à pénaliser les clients de prostitué(e)s, il faudra se souvenir que tout ce qui est interdit gagne en saveur : en son temps, la prohibition de l'alcool aux Etats-Unis, comme en Russie ou en Finlande n'a jamais mis fin au commerce, elle a permis le développement d'un marché noir qui a profité à la Mafia, laquelle a pu agrandir son empire criminel. Elle a peu profité à l'Etat, le coût du respect de la prohibition a été élevé et conjugué à l'absence de revenu sur les taxes, 500 millions de dollars disparaissaient chaque année et ont sévèrement attaqué les réserves financières de l'État américain. De fait, outre les pertes de revenus en ces temps austères, l'absence de frontières sur le monde parallèle de l'Internet permettra de contourner cette loi comme toutes sortes de lois, y compris aujourd'hui celle qui interdit le proxénétisme : il s'exerce depuis des sites basés en Belgique ou en Suisse.

Tous petits déjà, nous aimons les baisers volés à l'un ou l'autre sexe, défiant ainsi l'autorité parentale, ce qui rend certains d'entre nous nostalgiques des délices de l'interdit. Ceux-là auront certainement l’imagination nécessaire pour trouver d'autres chemins vers la prostitution. Et n'est-ce pas plus heureux que le développement de la zoophilie ? Car la seule solution pour éradiquer un potentiel cancer du pénis qui en suivrait est l'ablation partielle ou totale du membre. Voilà qui punirait les femmes, tout autant que les hommes…

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