Pour celles qui se souviennent du film des frères Cohen, « Burn after reading », sorti en 2008, George Clooney y jouait le rôle de Harry Pfarrer, un marshal fédéral paranoïaque, n'ayant jamais eu recours à son arme, ayant pour hobby la construction de machines sexuelles dans son garage. Aussi curieux que cela puisse paraître, il n'est pas inhabituel aux États-Unis que des hommes aient pour passe-temps du dimanche la construction de machines souvent très sophistiquées, où des moteurs pulsent des vibromasseurs pour que les femmes n'aient plus qu'à se laisser faire par la machine.
L'imagination étant sans limites, tout existe ou presque, du tabouret où la femme assise sur un godemiché voit un piston remplacer avantageusement la main dans son mouvement de va-et-vient, jusqu'à de longues tables où des centaines de langues en caoutchouc montées sur un rail central pratiquent ensemble un cunnilingus qui, en images au moins, semble parfaitement bien exécuté. Ces machines sont pour quelques unes si grandes qu'elles peuvent nécessiter des pièces réservées à cet effet. Elles peuvent également être si chères (certaines se facturent en milliers de dollars), qu'on peut préférer les ressources du bricoleur.
A chaque période de l'histoire son goût des ardeurs mécaniques. Au XVIIIe siècle, il fallait que les godemichés soient de taille extravagante (jusqu'à 34 cm), souvent en argent, œuvrés ici ou là pour plus de sensations, avec un mécanisme à l'intérieur permettant d'envoyer un liquide chaud (le plus souvent du lait) pour imiter le sperme au moment voulu. Certains modèles étaient doubles, d'autres pouvaient être portés avec une ceinture, pour les réjouissances saphiques. Mais il existait également des escarpolettes prévues pour la bagatelle (certaines avaient un balancier traditionnel pour accompagner le mouvement de la pénétration, d'autres montaient et descendaient sur le ou la partenaire par un système de cordes et de poulies). Le rouet connaissait un deuxième usage lorsqu'il était agrémenté de godemichés. Les lits pouvaient disposer de coussins spéciaux rehaussant certaines parties de l'anatomie féminine, avoir aussi des mouvements de balancier ou enfin des étriers pour soulever les pieds. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il semble bien que la France ait connu elle aussi cette frénésie d'inventions érotiques que les États-Unis connaissent aujourd’hui. Il faut dire que la masturbation à deux était encore l'une des seules pratiques sexuelles non fécondantes, avec le « coitus interruptus » apparu sous Louis XIV, et diffusé à l'échelle nationale à partir de la Révolution française. Hélas, au XIXe siècle, l'heure n'était plus à la gaudriole et la police du Second Empire procéda à de nombreuses saisies de godemichés, ce qui fut sans doute le frein au développement de cette petite industrie.
Ronsard, en son temps, s'était plaint de ce que ces instruments éloignaient les femmes des hommes. Rabelais pensait, lui, que les femmes étaient insatiables et qu'il fallait au moins cela pour venir à bout de leurs ardeurs.
Ce qui est étonnant n'est pas tant la différence de points de vue des hommes (chacun ne pouvant exprimer autre chose que ses propres doutes et fragilités), mais bien plutôt qu'au XXIe siècle encore, godemichés et autres sextoys soient encore largement une affaire d'hommes, qu'il s'agisse de les concevoir, de les fabriquer ou de les vendre. Le bon sens ne voudrait-il pas qu'une femme sache mieux qu'un homme quelle ergonomie une machine doit avoir pour la satisfaire ? Ne voudrait-on pas voir dans un prochain film Natalie Portman ou n'importe laquelle de ses consoeurs remplacer George Clooney à la fabrication artisanale de l'objet de ses jouissances ? Prendre son plaisir en main, en somme.
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