C'est l'orgasme le plus célèbre de l'histoire du cinéma.
Sauf qu'il est simulé. Pas seulement face aux caméras, comme dans tous les films : non, c'est le propos-même de la scène ! Quand Harry Rencontre Sally, classique toujours inégalé de la rom com postmoderne - qui a conscience de ses propres codes - scénarisé par la grande Nora Ephron (cinéaste regrettée à qui l'on doit également Nuits blanches à Seattle et Vous avez un message), a marqué son public par la précision de ses répliques (qu'il soit question des habitudes du new yorkais bobo avide de coffee shop ou des relations hommes/femmes), l'alchimie de son duo (Meg Ryan, Billy Crystal), mais aussi, cette fameuse "scène du delicatessen" où Sally simule un orgasme face à son meilleur Harry afin de lui prouver que les femmes "font ça tout le temps".
Et qu'il est habituel pour une dame de simuler la jouissance. Dont acte.
Séquence aussi drôle que sonore qui a coiffé bien des machos ordinaires en 1990... Et qui en 2025 a contre toute attente droit à son remake ! Par les mêmes acteurs. A 63 ans, c'est dans le cadre d'une pub savoureuse (pour une... mayonnaise, car pourquoi pas) diffusée durant la mi temps du Superbowl que Meg Ryan a usé ses cordes vocales...
Quitte à réveiller les sexistes ?
Le sketch est parfait : Meg Ryan, Billy Crystal, enfin réunis de nouveau. Le delicatessen new yorkais (le bien connu désormais Katz Deli), au sein duquel tant de touristes se rendent en hommage à la "scène de l'orgasme", les mêmes regards... Et une alchimie toujours aussi saisissante entre les deux partenaires.
Seulement voilà, c'est le physique de Meg Ryan qui a fait réagir le public.
Du côté des réseaux sociaux et notamment du très suivi Entertainement Weekly, ça s'égosille : "Pourquoi tu as fait tout ça à ton visage Meg ?", "la seule chose que tu dois refaire chérie, ce sont tes lèvres botoxées", "elle a littéralement détruit son visage", "l'apparence de Meg Ryan, ça me rend si triste". Beaucoup de Botox shaming là dedans : un terme qu'on décrypte pour vous ici.
Pas étonnant hélas quand on sait que Nicole Kidman, qui explique à l'unisson avoir enchaîné les orgasmes simulés face caméra dans son dernier film (très sulfureux), quitte à vriller au "burn out sexuel" (oui), se reçoit les mêmes noms d'oiseaux sur les réseaux... Même quand elle se contente de poser en lingerie.
Qu'importe au fond, le challenge est réussi : "refaire" cette séquence si libératrice pour les femmes plus de 30 ans plus tard. Coup de pied dans la fourmilière, mais surtout gag génialement féministe, que cette "simulation" de jouissance qui dans le film originel de Rob Reiner laisse le pauvre Harry atterré, lui qui aime tant avoir le dernier mot.
Cette scène est une réponse flamboyante au "mansplaining" : quand les hommes croient "mieux savoir" que les femmes. Force est de constater que c'est le cas de Harry, et que notre cher ami se plante en beauté. Lui qui était si persuadé de son efficacité au lit, des performances des hommes, en gros, de sa si précieuse virilité...
Et alors que Sally finit de s'époumoner pour lui démonter la réalité des orgasmes simulés, une voisine sexagénaire à la table d'à côté réclame "la même chose" qu'elle auprès d'une serveuse. Nora Ephron tape dans le mille en suggérant la complexité du plaisir féminin, et son pouvoir subversif. C'est aussi une réplique très sororale... A travers la voix de Sally, celle de Nora Ephron, scénariste et journaliste bien consciente de briser un tabou (c'était il y a trente ans) et, autrice soixante huitarde, de militer pour une meilleure compréhension des attentes féminines.
Le film, lui, n'a pas pris une ride.
Pour le prouver, on l'a carrément revu à votre place : on vous en parle longuement ici...