Et si Hollywood vivait une révolution ?
A l'usine à rêves, romances et récits olé olé renversent la donne et mettent en lumière les actrices post-quadras. Plus encore, ces stars incarnent des personnages féminins épanouis sexuellement, flirtant et couchant avec des binômes masculins... Moins âgés.
Ce n'est pas anodin : dans cette longue enquête détaillée et appuyée de voix expertes, on vous explique à quel point les meufs sont depuis des décennies toujours plus jeunes que les mecs dans les comédies romantiques américaines et françaises, mais aussi les comédies tout court, les thrillers, les films d'action... Dès qu'il y a une love story, quoi. Les partenaires plus âgés sont toujours des hommes, c'est systématique. Et l'écart d'âge peut être de 10, 15 ans, voire deux décennies... Oui oui.
Le vent a tourné et ce n'est pas trop tôt : désormais, des icônes comme Nicole Kidman, Laura Dern, Gwyneth Paltrow, Anne Hathaway, se réapproprient l'image de la "MILF", l'espace de films et de séquences intimes, amoureuses. Et font de cette image longtemps réduite à une insulte une forme de pouvoir et d'émancipation féministe.
La quoi ? La MILF, pour "Mother I Liked to F*k", fétichisation sur les plateformes pour adultes des mères "instruisant" des hommes plus jeunes à grands coups de fantasmes bien "male gaze". Des stéréotypes qui envahissent aussi le cinéma mainstream depuis des années, et pas le plus complexe qui soit : on pense bien sûr à la mère du potache Stifler, dans la franchise American Pie, incarnée avec beaucoup de dérision par Jennifer Coolidge, de la série The White Lotus. Une "cougar" emblématique pour toute une génération.
Et justement, ce cliché, les stars le dynamisent...
La liste s'agrandit, c'est phénoménal : d'abord Anne Hathaway dans la comédie romantique L'idée d'être avec toi, où elle partage affiche et lit avec Nicholas Galitzine (la reine des rom coms a 41 ans, son partenaire, 30). Ensuite, Nicole Kidman, ravie de bouleverser son image avec le très sulfureux Babygirl, dont l'actrice vante en pleine promo les très nombreuses scènes olé olé : elle serait même fatiguée des "orgasmes" ponctuant l'oeuvre, généreuse en ce sens.
L'actrice de 57 ans, couronnée à la Mostra de Venise pour ce rôle apparemment très hot, explique carrément au Sun : "Il y a eu plein de moments où nous tournions et où je me disais : 'Je ne veux plus avoir d'orgasme. Ne vous approchez pas de moi'. Je m'en suis remise depuis, mais c’était presque comme faire un burn-out !".
Dirigée par la cinéaste néerlandaise Halina Reijn, et aidée par une coordinatrice d'intimité pour les scènes les plus audacieuses (une professionnelle chargée de chorégraphier les séquences de corps à corps entre les acteurs et de témoigner de leur consentement : on vous explique tout ici), Kidman semble trouver un renouveau dans cette collaboration entre femmes, loin du regard des réalisateurs masculins.
Les réalisatrices féministes, Kidman connaît : l'immense Jane Campion l'a dirigée par le passé. Dans ce nouveau thriller très sensuel, elle trouve comme partenaire de jeu Harris Dickinson, 28 ans.
Enfin, à ces deux stars s'ajoute Laura Dern, qui est vraisemblablement hyper fière des scènes de sexe de la romance Lonely Planet où elle s'énamoure de Liam Hemsworth. Le trentenaire australien y répond aux désirs de la sexagénaire.
Idem, Laura Dern se réjouit de pouvoir tourner face caméra les instants les plus charnels à 60 ans. Elle y voit une indéniable libération, et une manière de remettre le désir féminin au centre de tout. On vous rapporte d'ailleurs l'entièreté de son témoignage sans filtre ici.
"Liam est littéralement la personne la plus sûre avec qui je pourrais parler de tout ce qui se passe dans ma vie. Au moment où nous tournions ces scènes, il n’y avait rien dont nous ne pouvions pas parler ensemble et travailler de manière créative, professionnelle !" détaille cette actrice légendaire, notamment immortalisée à l'écran par son grand admirateur, David Lynch.
Même communion d'ailleurs pour Anne Hathaway, qui l'affirme à Madame Figaro : "Pour moi, L'Idée d'être avec toi traite du fait de prendre en compte son propre plaisir, en dépit du regard des autres"
"Nous avions une coordinatrice d'intimité qui nous a beaucoup aidés. Mais nous étions surtout très ouverts les uns avec les autres, libres d'exprimer nos émotions... Nous avons cherché à créer une proximité avec le spectateur, à lui faire ressentir l'amour qu'éprouvent les personnages"
Autant de témoignages qui donnent le la à l'importance d'un regard plus attentif aux émois féminins et à la diversité des corps. Et si on revenait aux racines de la "cougar" au cinéma ?
A l'origine de tout dans le cinéma hollywoodien, et la popularisation de ce stéréotype, on trouve Le Lauréat, et son personnage de Mrs Robinson, interprété par Anne Bancroft. Une femme d'âge mûr qui s'éprend d'un timide jeune homme incarné par Dustin Hoffman, prénommé Benjamin. Par-delà la chanson éponyme que lui dédient Simon & Garfunkel, Mrs Robinson est une femme libre, sensuelle, sulfureuse, une figure complexe et captivante, jugée par la société, qui souffre du regard qu'on lui adresse. On est loin de la caricature vaseuse.
Mrs Robinson, une protagoniste fascinante que nous analysons dans cet article. Bancroft a, semble-t-il, ouvert la route à bien des successeuses, à l'ère #MeToo. Décomplexées, fortes.
Cette densité, aux antipodes du fantasme sur pattes, on la retrouve à travers les performances et les prises de position des grandes actrices aujourd'hui, qui tiennent à mettre en lumière une psychologie féminine en phase avec les enjeux féministes actuels. Et surtout, dire le désir féminin, le plaisir, l'épanouissement de personnages enfin respectés.
Ces dernières années, couronnée pour The White Lotus, Jennifer Coolidge elle-même s'est volontiers jouée de son image de "Stifler Mother" pour déjouer les discriminations et l'exclusion que les femmes subissent dans l'industrie hollywoodienne, une fois passé un certain âge. L'âgisme, tout bêtement. On vous en parle longuement ici.
Un phénomène fait pour durer ?