Sous le regard effaré de Gisèle Pélicot, et des journalistes, se tiennent actuellement les plaidoiries des avocats de la défense du procès de Mazan : ceux des dizaines et dizaines d'hommes (près d'une cinquantaine) accusés d'avoir violé l'épouse de Dominique Pélicot, alors que celle-ci était justement droguée par son mari. Sur son lit, à son domicile, à Mazan. On vous relate cela ici.
Au palais de justice d'Avignon, le retraité de 71 ans est jugé pour avoir violé sa femme à plusieurs reprises mais également enrôlé ces dizaines d'étrangers afin de la violer, et ce pendant une décennie, hommes "ordinaires" âgés de 26 à 74 ans, de professions, d'origines, et de milieux sociaux tout à fait pluriels.
Et les défenses de leurs avocats bousculent, scandalisent.
Par exemple, les propos de l'avocate Sylvie Menvielle, qui défend l'accusé Husamettin D., et aborde frontalement les vidéos de Dominique Pélicot, mettant en images les viols, comme... Des films de pure fiction. Oui oui. On l'écoute : "Ces vidéos sont des saynètes volées, tronquées, montées sous le prisme du plaisir de Dominique Pelicot. Et que révèlent ces œuvres cinématographiques ? Des rapports sexuels".
Plus encore, l'avocate ajoute, au regard de Gisèle Pélicot : "Ces vidéos révèlent un jeu sexuel à trois". Sous entendu : des actes sexuels où le consentement de Gisèle Pélicot serait évident. Le tout relèverait du pur libertinage, à en croire la défense. Mais si vous pensez avoir lu les arguments les plus offensants, vous êtes loin du compte.
Car les avocats vont plus loin...
Cela ne s'arrête pas là.
Florilège de ces plaidoiries : Sylvie Menvielle toujours qui aborde l'une des vidéos des viols de Gisèle Pélicot, et explique que "Gisèle Pelicot apparaît les jambes pliées sur le lit et elle a un mouvement de bassin pour se positionner". Sous-entendu ? Gisèle Pélicot, bien que sous soumission chimique, serait tout à fait consciente.
Cela fait penser à ces mots d'un autre avocat de la défense, Aurélien Knoepfli, expliquant : "quand mon client (de 61 ans) exerce une pression sur le sein de Gisèle Pélicot, elle bouge". Des paroles relatées par francebleu.
"L’avocate que je suis ne peut s’empêcher de penser qu’il y a de part et d’autre de cette barre, à ma droite et à ma gauche [où se trouvent respectivement Gisèle et Dominique Pelicot], une volonté de faire tomber les 50, de les voir déclarés coupables. Cette cause commune, contre les 50, m’apparaît particulièrement troublante", poursuit l'avocate.
Oui, Gisèle Pélicot est carrément suspectée... De complicité.
Autres propos ? Ceux de l'avocat Jalil-Henri Amr qui dit de son client, Redouan A., diagnostiqué schizophrène, qu'il a "le QI d’un vibromasseur" ou "d’une endive, en promo chez Lidl", comme le relate franceinfo. Un certain sens de la provocation qui rappelle ces termes de l'avocate Gaëlle Mathys, assurant que l'éjaculation de son client de 27 ans "n'est pas forcément synonyme de plaisir".
Dans cet autre article détaillé, on vous partageait les réactions des accusés au procès de Mazan, en novembre dernier : "Je ne savais pas que c'était interdit par la loi, ou puni, au moment des faits", "Je me suis dit, elle va se réveiller", "Elle pouvait me dire non", "Je suis vraiment désolé madame Pelicot, mais votre mari m'a trompé madame Pelicot, j'ai été manipulé", "Elle aurait pu refuser"... un pur concentré de culture du viol.
Toujours est-il que ces phrases-choc indignent.
Avec ces plaidoiries de la défense, la cour criminelle devient "le théâtre de stratégies qui interrogent profondément", fustige L'Humanité dans une analyse méticuleuse de ces saillies pour le moins... Contestables. Pertinentes ou impertinentes ? Provocatrices, irrespectueuses envers Gisèle Pélicot, envers la Cour ? Amorales ?
Le journal se questionne.
"Ainsi l’avocate de Husamettin D a soutenu que son client n’avait « aucune raison de penser » qu’il ne se trouvait pas dans un « jeu libertin » et cette déclaration, insoutenable pour Gisèle Pelicot, l’a conduite à quitter la salle d’audience, visiblement bouleversée", développe L'Huma. "Tout cela révèle l'urgence de réfléchir aux limites déontologiques encadrant les stratégies de défense".
Oui, pour L'Huma, il pourrait y avoir un avant et un après Pelicot. Mais aussi, en terme de mise en scène et d'écriture des plaidoiries.
"C’est indispensable pour éviter que ces dernières ne se transforment en des instruments de manipulation, irrespectueux pour les plaignantes", peut-on lire. CQFD ?
Le verdict du procès est attendu pour le 20 décembre.