"Je ne pensais pas que c'était interdit par la loi !"
Cela, c'est ce qu'on entend au tribunal, et plus précisément au palais de justice d'Avignon, lors du procès historique qui oppose depuis deux mois Gisèle Pelicot à son ex époux Dominique Pelicot. Celui qui s'est-lui même défini comme "un violeur" est accusé d'avoir drogué pendant près de dix ans son épouse, et d'avoir invité des inconnus - des dizaines - à la violer à leur domicile de Mazan, dans le sud de la France, alors qu'elle était sous soumission chimique.
Une affaire fondamentale qu'on vous détaille dans cet article.
Cela fait depuis septembre que cette confrontation prend place et aux côtés de Dominique Pélicot s'expriment ainsi pas moins de 51 co-accusés, pour des faits s'étalant sur plus de dix ans. Le plus jeune de cette cinquantaine d'accusés avait 22 ans au moment des faits. Seulement, oui.
Mais que disent-ils, ces accusés ?
Comment se défendent-ils au juste ? Par-delà les preuves étudiées, à savoir des centaines de photos et vidéos, comment s'expriment-ils face à ces accusations ? Une question qui implique de vous partager leurs "arguments" plutôt... Lunaires. Euphémisme.
Relayés dans les médias, par les journalistes présents auprès de la Cour, comme la journaliste judiciaire Marion Dubreuil, et sur les réseaux sociaux, à travers des comptes comme celui des Juristes Engagées, les discours aberrants des très nombreux accusés laissent pantois et sont primordiaux pour comprendre notre société.
En voici quelques extraits : "Je ne savais pas que c'était interdit par la loi, ou puni, au moment des faits", "Je me suis dit, elle va se réveiller", "Elle pouvait me dire non", "Je suis vraiment désolé madame Pelicot, mais votre mari m'a trompé madame Pelicot, j'ai été manipulé", "Elle aurait pu refuser".
Ce n'est pas tout.
"Par geste, le fait qu'un mari m'ait invité avec sa femme, je faisais confiance au mari, je pensais qu'un mari et sa femme se parlaient forcément. Je faisais juste ce qu'il me demandait", "Je suis un instrument trompé par cet époux : pour moi, il n'y a pas eu viol", "On ne peut pas savoir si elle va se réveiller ou non : moi aussi, j'ai déjà pris des somnifères".
Voilà ce que l'on pouvait encore entendre sur le banc des accusés.
Le même banc où l'on peut également entendre, de la part d'autres présumés violeurs : "On est pas des monstres, j’ai un enfant", "On n’est pas des monstres on est des hommes comme tous", "C’est un viol mais c’est un viol physique car je n'ai jamais eu à l’esprit de violer des femmes", "Même si mon client y retourne six fois, ce n'est pas un prédateur".
Vous avez dit "culture du viol" ?
Le procès des viols de Mazan bouscule l'opinion publique, et cette expression de "culture du viol" - qui consiste à euphémiser les violences sexuelles - y est complètement centrale : on vous raconte pourquoi dans ce billet d'humeur.
Tout cela, c'est de la culture du viol : une euphémisation constante des violences et agressions sexuelles, du viol, sous couvert d'inversion entre victime et coupable. On trouve un véritable "bingo" : "je ne savais pas", insinuation par l'accusé de la pleine lucidité de la victime et de son absence d'actes, négation totale du mot "viol" et du mot "violeur", violences minimisées, et surtout, surtout... Exclusion d'un terme pourtant fondamental, celui de Consentement. Mot qui paraît relégué aux oubliettes dans tous ces discours.
On peut même y voir une forme de victim blaming, ce phénomène que l'on analyse pour vous dans cet article.
Gisèle Pelicot elle-même s'était adressée, avec gravité et dignité, à son ex époux : "Dominique, nous avons eu 50 ans de vie commune, j’ai été heureuse. Trois enfants et sept petits enfants. Tu as été un homme bienveillant, attentionné, jamais je n’ai douté de ta confiance"
"Ma vie aujourd’hui a basculé dans le néant. Je ne comprends pas comment il a pu en arriver là et je ne sais pas si je le comprendrai un jour. Moi je l’ai tiré vers le haut. Toi tu as choisi les bas-fonds de l’âme humaine. Je suis une femme détruite et je ne sais pas comment je vais faire pour me reconstruire. 72 ans, je ne sais pas si ma vie suffira pour comprendre tout ce qui m’est arrivé"