« Nous vous demandons solennellement de revenir sur votre position et de désavouer cet intolérable abus de pouvoir ». C’est sur ces mots lourds de sens que s’achève la tribune rédigée conjointement par François Fillon et Henri Guaino, et publiée en fin de semaine dernière dans les colonnes du Figaro. Adressée au président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, le courrier dénonce la sanction financière infligée à Julien Aubert, député du Vaucluse. En effet, le 6 octobre dernier, lors des débats sur la loi de transition énergétique à l'Assemblée nationale, ce dernier avait persisté à appeler Sandrine Mazetier, qui siégeait au perchoir, « Madame le président ». Malgré de multiples rappels à l’ordre, il avait refusé de féminiser la fonction, invoquant la grammaire française. De son côté, Sandrine Mazetier, lui avait indiqué que le règlement de l'Assemblée nationale prévalait au Palais Bourbon. Résultat, le parlementaire, s’est vu priver, pendant un mois, d’un quart de son indemnité parlementaire, soit 1 378 euros.
Une sanction abusive pour l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon, le député des Yvelines Henri Guaino et les nombreux signataires du texte parmi lesquels Xavier Bertrand, Luc Chatel, Eric Woerth ou encore Nicolas Dupont-Aignan. Considérant que cette affaire a « couvert de ridicule cette institution essentielle qu’est la présidence de l’Assemblée nationale », ils jugent la sanction infligée à leur collègue « d’autant plus intolérable qu’elle punit l’usage correct de la langue française ». Les parlementaires soulignent en effet, qu’« en français la présidente désigne la femme du président. Faut-il ajouter que "le président", comme "le juge", "le préfet", "le professeur", "le commissaire", "le ministre", expriment en français non la masculinité de la fonction mais sa neutralité par rapport au genre », poursuivent-ils. Et d’interroger : « Faudra-t-il dire aussi demain, dans nos débats, sous peine de sanctions : "procureure", "rapporteure", "défenseure", "professeure" ? L'effroyable sonorité de ces mots n'exprime-t-elle pas assez le martyre que fait subir aux Français l'idéologie de la féminisation à outrance des fonctions ».
Dans cette courte tribune signée par quelque 140 députés, tous sexe confondus, les auteurs n’hésitent pas à mettre directement en cause la bonne foi de Sandrine Mazetier, fervente opposante au sexisme lexical. « Madame Mazetier a utilisé les pouvoirs qui lui étaient conférés à d’autres fins pour imposer par la force de la sanction sa funeste idéologie jusque dans le langage », dénoncent-ils. Et pour cause, en février 2013, la députée de Paris avait saisi le gouvernement sur l'emploi du terme « école maternelle » qui renvoyait, selon elle, à l'image de la seule mère. Elle avait alors suggéré l’emploi de « petite école » ou de « première école ».
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois que la féminisation des titres divise l’Assemblée nationale. À la mi-janvier, déjà, Sandrine Mazetier avait corrigé Julien Aubert, lui demandant de s’adresser à elle en usant du terme « Madame la présidente ». Quelques jours plus tard, lors du débat concernant le projet de loi sur l'égalité femmes-hommes, la ministre Najat Vallaud-Belkacem s'était vue qualifier, à plusieurs reprises, de « Madame le ministre » par des élus UMP, suscitant de vifs échanges dans l’hémicycle. Enfin, à l'automne 2012, c’est Cécile Duflot qui avait eu un échange musclé avec l'ancien président UMP de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer. « Je suis une femme. Je vous prierai donc de m'appeler "Madame la ministre". Sinon, je me verrai dans l'obligation de vous appeler "Monsieur la députée" », lui avait lancé l'écologiste.