Avances, baisers forcés, "gestes déplacés"... Les accusations abondent dans la très dense enquête que dédie franceinfo au cinéaste Philippe Lioret. Dix comédiennes témoignent. Le réalisateur de "Welcome" (avec Vincent Lindon) fait l'objet de plusieurs allégations, entre abus de pouvoir et agressions sexuelles. Des actrices dénoncent dans cet article des attitudes analogues, qui se répètent, se ressemblent.
Par exemple ? Philippe Lioret aurait exigé, de plusieurs comédiennes, qu'elles dévoilent leur poitrine durant les auditions. "Philippe Lioret m'a dit : 'Je voudrais voir ta poitrine. Je dois la voir si je dois la filmer... Il y a quelque chose qui était malsain, qui n'était pas nécessaire, on n'engage pas une actrice pour ses seins mais pour son jeu", témoigne l'une d'entre elles, "une célèbre actrice".
Louise Szpindel, comédienne également, relate sur le même ton : "À la fin de la scène, Philippe Lioret décide que le personnage doit soulever son t-shirt pour montrer sa poitrine. Ça n'était pas dans le scénario ni dans le texte à apprendre. J'étais prise de court, surprise et mal à l'aise".
Autre témoignage, celui d'une assistante de casting : "Je me souviens de cette scène, pendant les essais, où il fallait absolument mettre du parfum sur l'aréole du sein de la comédienne. Il voulait absolument qu'on voit le sein. Quand je donnais la réplique aux actrices, j'avais pour ordre de tirer sur leur soutien-gorge et de sortir leur sein. J'ai trouvé ça bizarre, relate aujourd'hui une actrice. Le geste était excessif et étrange".
franceinfo aurait par ailleurs pu avoir accès aux images desdites auditions, confirmant ces témoignages. Mais ce n'est pas tout. D'autres attitudes sont pointées du doigt...
Des attitudes similaires sont abordées par différentes actrices. A savoir ? Lors d'essais, le metteur en scène aurait décidé de jouer directement le rôle de l'interlocuteur, auprès de la comédienne qui auditionne. Pas si inhabituel dans le milieu. Cependant, il est question de scènes d'intimité, de baisers, ou, comme l'énonce le cinéaste lui-même, "des scènes de tendresse".
Parmi ces témoignages, celui d'Élodie Frenck (Les petits meurtres d'Agatha Christie) : "J'apprends mon texte, j'y vais, et une fois sur place, il décide qu'il me donnera la réplique. Il s'avère que c'était une scène de baiser. Il a commencé à être très insistant. Il mettait sa bouche dans mon cou, il avait le souffle court, j'étais très mal à l'aise. Je me dégageais et il me disait : 'Mais tu veux le faire ou tu ne veux pas le faire ?' Je me sentais comme une petite souris au fond de la boîte". C'était de plus en plus désagréable".
Elodie Frenck se serait vue forcée de répéter plusieurs fois la "scène". A l'unisson, s'exprime une consoeur actrice, Hélène Seuzaret. Pour un essai, le réalisateur lui donne rendez-vous dans ses bureaux, déserts. Il décide de lui donner directement la réplique. Et choisit "une scène intime, charnelle". Hélène Seuzaret : "Je me dis : pourquoi ce choix de scène ? Il est le réalisateur, pas l'acteur avec lequel je jouerai. C'est gênant. Une fois dehors, alors qu'on retourne à nos véhicules respectifs, il essaye de m'embrasser sur la bouche. Ce n'est pas du tout ce dont j'avais envie. C'est comme un abus de pouvoir".
Ce n'est qu'un aspect de cette longue enquête à retrouver sur franceinfo.
Une célèbre comédienne, Marie Gillian, s'exprime à son tour : elle partage auprès de franceinfo "une sensation de malaise" et dénonce "une attitude charnelle" du réalisateur lors du tournage du film "Toutes nos envies", sous sa direction : "Je ne lui ai pas dit. Sans doute parce qu'il avait tous les pouvoirs à ce moment-là, en particulier celui de me donner ou pas ce rôle dont je rêvais". Une façon d'évoquer un abus de pouvoir ?
"Je n'ai jamais eu la sensation d'essayer d'abuser de qui que ce soit de toute ma vie", affirme de son côté Philippe Lioret à franceinfo. Son avocate, Solange Doumic, développe : "Philippe Lioret s'est toujours impliqué très personnellement dans les castings. C'est vraiment son truc".
"Il cherche à obtenir le meilleur des comédiens et des comédiennes qui passent des essais. Donc, c'est lui qui leur donne la réplique. Dans le casting de 'Toutes nos envies', il avait choisi une scène de tendresse parce qu'elle est cruciale. Aujourd'hui, si des actrices se sentent heurtées, Philippe Lioret en est profondément désolé. Il ne s'en est évidemment pas du tout rendu compte".