Madeleine est une actrice qui peine à briller sur les planches du Paris des années trente. Elle cohabite dans une piaule de misère avec sa meilleure amie et avocate, Pauline. Mais sa vie se voit bouleversée lorsque le producteur qui a tenté de l'agresser sexuellement... Est retrouvé mort chez lui. Et que tout l'accuse. Plaidant la légitime défense, l'actrice va cependant ressortir de ce procès en icône féministe, recueillant honneur et gloire.
Peut-on rire de tout ? François Ozon répond par l'affirmative en délivrant une comédie d'une déroutante insouciance sur des thèmes gravissimes - les agressions sexuelles, les violences sexistes dans le cinéma, la misogynie, le traitement des femmes par la justice.
Celles et ceux qui ont goûté aux décalages de Huit Femmes ou Potiche reconnaîtront en Mon crime la même recette : goût prononcé du désuet, patine rétro mettant paradoxalement en évidence un certain air du temps bien actuel, art de la satire aiguisée. Et surtout : bande de femmes.
Car dans Mon crime, ce sont les femmes qui donnent le tempo (affolant), et ce sont elles qui prennent le pouvoir : elles s'organisent, se solidarisent, se jouent des hommes quand elles ne se débarrassent pas tout simplement des plus "porcs" d'entre eux. Un jeu de massacre saisi comme une farce.
Les femmes ? Oui, mais surtout, les actrices. Face à elles, une galerie d'hommes déboussolés ou vite fait rayés de la carte : producteur dégueu, époux benêt, juge paumé, entrepreneur ridiculisé... Rapidement, le crime de Madeleine (qu'elle n'a pas commis) fait effet boule de neige et inspire aux dames parisiennes une vendetta collective. Mais c'est surtout aux comédiennes, des jeunes espoirs aux grands noms d'antan, que François Ozon offre une revanche éclatante, face au sexisme ordinaire, au patriarcat et aux "regards masculins".
Une revanche aussi bien sociale que sororale. Pleines de jugeotte, Madeleine et Pauline (savoureuses Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder) composent un duo ravageur venu bousculer les lignes du vieux monde. Jeunes et pauvres, marginalisées, elles finissent par entrer dans la légende comme leur "role model", Danielle Darrieux. Et peu importe si certains les portraitisent en... Diaboliques lesbiennes. Cela expliquerait, assure un avocat, "leur haine des hommes". On rit jaune de ces pépites sexistes qui hélas, font encore écho.
Alors que la première traumatise les libidineux (craignant pour leur sort au moindre geste), la seconde devient le porte-voix de celles qui en ont marre - parmi elles, une actrice d'une âge avancé, occasion d'épingler l'âgisme l'espace de répliques bien senties. Par-delà son ironie évidente, Mon crime est une déclaration d'amour aux femmes fatales, et surtout, une douce utopie : un film qui murmure la possibilité de voir les femmes triompher, de la justice aux écrans, dans un monde qui jusque là semblait dicté par les hommes.
Et à ceux qui souffleraient d'avance à cette idée, François Ozon pourrait rétorquer en citant la fameuse rengaine de Ludivine Sagnier dans Huit femmes : "Papa, t'es plus dans l'coup".