Vieillotte, ringarde, dépassée, voire même réac, n'en jetez plus ! On ne va pas se mentir, la musique country n'est pas des plus tendances en 2021. Ou alors, on la résumera à quelques noms emblématiques, de l'iconique Dolly Parton (toujours aussi badass à 75 ans) à la plus contemporaine Taylor Swift - même si le coeur de la reine de la pop music bascule plus volontiers vers les territoires folk désormais.
Mais ce serait passer à côté de quelques grands noms, d'hier comme d'aujourd'hui. Des artistes féminines qui propagent les ondes d'une musique tour à tour féministe et spleenétique, expérimentale et sensible, toujours introspective. De quoi enrichir vos playlists avec de nouveaux horizons sonores, bien utiles pour survivre aux soirées maussades du monde d'après. D'ailleurs, voilà six valeurs sûres qui risquent bien de vous enchanter.
Voilà une voix tout aussi légendaire que celles de Patsy Cline ou Dolly Parton. On doit à cette chanteuse pleine de spleen et d'entrain des airs entêtants, de Coal Miner's Daughter à As Soon as I Hang up the Phone. Et surtout, un hymne historique, débarqué en plein milieu des années 70 : The Pill. Lynn y raconte le récit d'une mère au foyer américaine comme les autres. Mère anonyme qui rembobine le fil de sa vie conjugale et s'attend à ce que les choses changent enfin, car désormais, la pilule contraceptive existe, enfin - d'où le titre.
La pilule, un sujet encore tabou, même plus de dix ans après sa légalisation outre-Atlantique. Tant et si bien que cette chanson devenue culte a été censurée par de nombreuses stations de radio. Dans Herstory, l'histoire des féminismes qu'elle a écrit (éditions La Ville Brûle), l'autrice Marie Kirschen désigne cette ritournelle obsédante comme un standard "célébrant la liberté avec une mélodie réjouie". La même liberté que l'on retrouve dans les chansons girl power d'Aretha Franklin, Lesley Gore ou Joan Jett.
Il y a dans les performances de Rissi Palmer quelque chose de tout à fait électrisant : la musique country s'y voit dynamisée par une forme d'énergie funk irrésistible, elle-même traversée d'élans soul indéniables. Une liaison idéale qui a fait de l'artiste l'une des chanteuses afro-américaines les plus célébrées (et célèbres) du genre. D'aucuns disent même que Rissi Palmer est une pionnière dans un univers musical largement monochrome.
Difficile de leur donner tort à l'écoute d'un album aussi réjouissant que Revival. Si les accords de guitare si caractéristiques sonnent très country, les montées lyriques, choeurs et rengaines sereines glissent quant à eux vers des sensibilités bien plus soul music. Comme le suppose le titre, c'est à un véritable "renouveau" que nous assistons : celui d'un genre musical qui peut être bien plus protéiforme qu'on ne pourrait le croire.
Quand on demande à la jeune chanteuse country Katy Pruitt de définir sa musique, celle-ci répond du tac au tac : "Big Lesbian Energy" (comprendre de la forte énergie lesbienne). Il faut dire que l'artiste détonne dans une sphère musicale où les voix lesbiennes affirmées sont des plus discrètes - on prête volontiers au genre des valeurs plus "tradis" et pas forcément progressistes. C'est tout d'abord cette revendication, intime et politique, qui fait sa force. Tant et si bien que le site spécialisé Country Queer voit en elle une valeur sûre.
La jeunesse de l'artiste n'a pas été des plus évidentes - Katy Pruitt a grandi dans une famille catholique. A ce passé et au long cheminement que représente le coming-out, la native d'Atlanta rétorque par une musique douce, aérienne et introspective, n'hésitant pas à aborder des sujets graves sur fond de mélodies à la mélancolie tranquille. On reçoit ses chansons comme un long voyage traversé de doutes et de questionnements.
Brittany Howard est de ces voix comme il y en a peu, et que l'on compare volontiers à celle de Janis Joplin. Mais malgré ces analogies élogieuses, son talent ne ressemble à aucun autre. Chanteuse, guitariste et parolière pour le super groupe Alabama Shakes, mais aussi interprète solo, la trentenaire afro-américaine marie comme personne les ritournelles country, la passion soul et les furies du rock. Elle peut tout faire, même reprendre Revolution de Nina Simone sans avoir à rougir.
Bien des experts s'exercent à nommer sa spécialité, pour finalement en venir à la même conclusion : Britanny Howard est une pro de l'americana, ce grand mix qui mêle folk, country et rhythm and blues. Mais au fond, cette native d'Alabama à la puissance vocale subjuguante n'a que faire des cases. Au magazine Rolling Stone, elle n'hésite pas à désigner la country, et plus précisément la country de Nashville (la plus réputée) comme "un boys club". Club au sein duquel elle se fiche bien d'être admise.
Depuis son premier album en 2012, Angel Olsen nous fascine. Son dernier opus, Whole New Mess (2020), nous rappelle pourquoi. Quarante minutes durant, et à travers de longues complaintes comme Chance (Forever Love) ou Lark Song, la mélancolie féminine si caractéristique de la country résonne en compagnie du romantisme traditionnel de la folk music - à moins que cela ne soit tout simplement l'inverse ? C'est poignant.
Thématiques, mélodies, sensations et, surtout, longs élans d'une voix caverneuse, tout nous renvoie à la country. Au gré de ses songes, la chanteuse de 34 ans nous fait ressentir l'intensité des nuits qui s'éternisent, des chagrins qui noient et des solitudes qui filent le long des routes désertées. Bref, tout ce que l'on aime.
On dit de la musique de l'enthousiasmante Jesca Hoop qu'elle serait "country rock" ou "coutry roots". Une chose est certaine, elle ne laisse personne indifférent. Le long d'étendues sonores lancinantes aussi bien indie folk que country dans l'âme, la Californienne met à mal notre petit coeur. Ses balades à la fois tranquilles et tourmentées hantent son dernier album en date, "Stonechild".
La musique de cette proche de Tom Waits est exigeante et audacieuse, traversée de délicatesse et de hantises extériorisées. Sa voix, elle, obsède autant par sa vulnérabilité que par sa force libérée. Pour le Guardian, sa "folk des bois aux accents country" serait tour à tour "automnale, délicate, brut". C'est dire.