L'Italienne Laura Bispuri n'a que 39 ans et son premier long-métrage, Vierge sous serment, a déjà été retenu pour la sélection officielle du 65e édition du Festival international du film de Berlin. Un film délicat et particulièrement "couillu" dans lequel la jeune héroïne albanaise décide de ne plus vivre sous la tutelle masculine en faisant le serment de rester vierge et de vivre comme un homme. Alors qu'elle présentera cette oeuvre au Festival de cinéma européen des Arcs, nous avons interrogé Laura Bispuri sur sa place de femme dans le monde encore très masculin de la réalisation et sur ses inspirations.
J'ai pu voir ces dernières années beaucoup de films magnifiques réalisés par des femmes et je les ai adorés. Je pense qu'il est possible d'entrevoir la fin du tunnel, mais nous devons continuer cette lutte importante d'ici-là. Car ce problème n'est pas seulement celui du cinéma : c'est une situation dangereuse et triste qui frappe la culture et notre société en général et cela a toujours été comme ça. En ce qui concerne le cinéma, je sens que quelque chose est en train de changer petit à petit. Les gens parlent de tout ça, dans les festivals, il y a ce genre de débats, il y a des associations qui aident les scénarios qui mettent en scène des personnages féminins et il y a des prix pour les films réalisés par des réalisatrices, même je n'aime pas trop cette différentiation. Nous sommes très loin de l'égalité. Cependant, j'espère que dans un futur proche, la lumière sera faite sur de super réalisatrice et de beaux personnages féminins.
Je n'ai pas été confrontée à ce problème dans ma vie personnelle, mais le sexisme fait partie intégrante de notre société. C'est quelque chose de très insidieux, profond et caché. Le sexisme, c'est la différence entre le nombre de réalisateurs et le nombre de réalisatrices, des directeurs de la photographie. Le sexisme, c'est la différence de salaire pour un même job, c'est l'opinion de la majorité des journalistes masculins ou alors la manière dont certains vous perçoivent dès le début parce que vous êtes une femme. Si un beau film est réalisé par un homme, il sera considéré comme un génie, si c'est un beau film réalisé par une femme, elle sera juste considérée comme une bonne réalisatrice.
Je pense que la manière de faire ce métier est différente. La conception du réalisateur est souvent associée à une personnalité très dure, à quelqu'un qui est sur un piédestal et qui utilise son pouvoir avec autorité. Je n'aime pas ça et j'essaie de changer cette perception très "masculine" de ce qu'est un bon cinéaste. Parfois, j'ai l'impression que si je ne suis pas vache, les gens ne me respectent pas, parce qu'il sont tellement habitués à cette idée très "macho" du réalisateur.
Quant à la façon d'approcher les histoires, je pense que cela dépend de la personnalité unique du réalisateur. Il y a de bons et de mauvais films, peu importe qu'ils soient réalisés par des hommes ou des femmes. Je n'aime pas la catégorisation. Je pense cependant que la position de Jodie Foster est particulièrement précieuse pour les femmes dans le cinéma.
J'adore Marilyn Monroe, Brigitte Bardot, Monica Vitti, Anna Magnani, Ella Fitzgerald, Patti Smith, Lesley Gore, Kathrine Switzer, Virginia Woolf, Mary Shelley, Simone De Beauvoir, Sibilla Aleramo, Elsa Morante, Elena Ferrante, Marta Vieira da Silva.. Mais ma préférée est probablement Wonderwoman !
Un ange à ma table et La leçon de piano de Jane Campion, Giovanna D'Arco de Theodor Dreyer, Adua et ses compagnes d'Antonio Pietrangeli, Boys Don't Cry de Kimberly Peirce, Tout sur ma mère de Pedro Almodovar, Years of Lead (Anni di piombo) de Margarethe Von Trotta, Antonia de Marleen Gorris, Mustang de Deniz Gamze Erguven, Persepolis de Marjane Satrapi, Thelma & Louise de Ridley Scott, Une journée particulière d'Ettore Scola, Séduite et abandonnée de Pietro Germi, Ixcanul de Jairo Bustamante, Divines de Houda Benyamina...
Meryl Streep, Cate Blanchett, Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Charlotte Gainsbourg, Isabelle Huppert... et tellement d'autres !
Les trois femmes qui vous ont le plus inspirée dans la vie ?
La chanteuse Patti Smith, la journaliste et militante russe Anna Politkovskaïa, et toutes les femmes qui luttent tous les jours, les femmes dont personne ne parlent mais qui se battent pour faire valoir leur liberté.
Ma mère !
Cycle "Nouvelles femmes de cinéma" au Festival de cinéma européen des Arcs, du 10 au 17 décembre 2016